
Le document du PS est intitulé « Redresser la France, retrouver la justice, rassembler les Français, L’intégrale des propositions des socialistes pour changer la France »[1]. Il se structure en trois parties et treize chapitres.
Le modèle de développement couché sur le papier par le PS ne peut être considéré comme une copie conforme de celui que met en œuvre le capitalisme néolibéral depuis plusieurs décennies. Mais, à l’évidence, le PS n’entend pas rompre avec cette logique, tout au plus propose-t-il de l’amender à la marge, marge certes non négligeable sur certains points, mais peu susceptible d’ouvrir une voie radicalement nouvelle.(...)
Le choix de l’emploi est réaffirmé à maintes reprises. Mais le redémarrage de l’emploi est indissolublement lié à celui de la croissance économique (pages 3, 7). À aucun moment, la comparaison de l’évolution de l’emploi avec celle de la productivité n’est envisagée, pas plus que n’est évoquée l’alternative en matière d’utilisation des gains de productivité (croissance ou réduction de la durée du travail). En 75 pages, le mot « productivité » n’est même pas prononcé. La notion de productivité est souvent suspectée au nom de l’écologie ; toutefois, on aurait tort de se réjouir de son absence car cette absence ne signifie pas un abandon du productivisme mais au contraire un plaidoyer en sa faveur puisque le bon emploi ne peut être retrouvé que grâce à la croissance économique. Cela devrait les convaincre de la petite différence entre productivité et productivisme.(...)
Un modèle de développement qui ne rompt pas avec le productivisme. Tous les indices concordent malheureusement :
– Les mutations technologiques sont « inédites » et fondent une « ambition productive » (p. 3), comme par exemple multiplier les lignes à grande vitesse (p. 6).
– Il faut refuser la « compétitivité low cost » (p. 3) mais il faut conquérir les marchés (p. 6).
– Il faut imiter les exemples allemand et états-unien (...)
En ce qui concerne les choix énergétiques, l’accent est mis sur la diversification des sources d’énergie et sur le rattrapage du retard en termes d’énergies renouvelables et sur les économies d’énergie (p. 8). Mais la catastrophe nucléaire de Fukushima ne conduit pas le PS à sortir du nucléaire mais seulement à « sortir de la dépendance » au nucléaire ainsi qu’au pétrole. Le risque nucléaire qui s’est transformé en catastrophe au Japon est mis au compte de la gestion privée de cette industrie ; le risque en lui-même est donc ignoré et le PS fait confiance en une gestion par la puissance publique, condition certes nécessaire mais totalement insuffisante. De plus, le PS en rajoute sur « le succès technique et économique » du nucléaire français (p. 9) et ressort l’argument éculé du « bas coût de l’électricité » en France, alors que le coût du démantèlement des centrales et celui du traitement des déchets ne sont pas inclus dans le prix.(...)
Le paragraphe portant sur l’agriculture frise le lapsus ou l’inconscience : il est intitulé « Soutenir l’agriculture écologiquement intensive » (p.10). Silence total sur la politique agricole commune et sur les cultures d’OGM.(...)
À l’heure où le gouvernement actuel prépare une réforme dite de la « prise en charge de la dépendance » qui sera selon toute vraisemblance un gros cadeau aux assureurs privés, le PS ne dit rien de précis sur ce sujet.(...)
Après avoir accepté, voire soutenu, toutes les dégradations et les privatisations progressives des services publics, notamment dans le cadre de l’Union européenne, le PS s’engage à restaurer ces derniers et de faire du droit à l’éducation, du droit au logement, etc., de vrais droits. Dont acte. Mais que vaut cet engagement sans remise en cause véritable des traités et directives instituant pour l’éternité « la concurrence libre et non faussée » ? Il est dit qu’il faut « sortir l’Europe de la crise » (p. 19), mais jamais sortir de la crise de l’Europe, comme si la construction européenne qui prévaut n’était pour rien dans ladite crise.(...)
Les politiques néolibérales ayant été liberticides et anti-démocratiques, l’engagement du PS en faveur des droits, des libertés et de la démocratie est à retenir. Mais le risque est de voir se fracasser cet engagement sur le mur d’une logique de profit si elle n’est pas davantage mise en cause. (...)