
Pour l’électeur potentiel qui aura écouté jusqu’au bout le dernier débat en date de la primaire
"citoyenne", les dernières minutes eurent un parfum amer. Questionnés sur l’immigration, les
candidats ont frappé par leur unanimité : le ou la prochain(e) hôte de l’Elysée exclut désormais
toute régularisation massive ; chacun, son coeur en badoulière, nous promet des critères justes
voire "humains" (sic) pour régulariser au cas par cas. Pas un n’envisagea même un simple moratoire sur
les expulsions ! Pour qui a suivi l’histoire du PS avec les sans-papiers, cet aveu décomplexé est
attendu et pourtant absolument écoeurant. Qu’entend-on en effet, derrière ce bon sens autoproclamé
et les bons sentiments qui l’accompagnent ? Que l’immigration est un problème, que les
régularisations massives créent un appel d’air, que la crise impose de ne pas crisper les travailleurs
français.
C’est une triple capitulation face à la droite qui est ainsi benoîtement entérinée. (...)
Refusera-t-il désormais de reconnaître que notre richesse insolente s’est longtemps battie sur l’exploitation des Suds ? Oubliera-t-il pour toujours qu’une politique de migrations temporaires est possible, autorisant allers et retours, pour ne pas piéger en France des hommes dont le but initial n’est pas de s’y installer ? Qu’une régularisation massive, chaque décennie par exemple, n’est ni une menace numérique ni un péril identitaire si notre pays sait ouvrir les yeux sur la pluralité de son héritage culturel, et qu’elle apporterait de la sécurité aux bénéficiaires et donc à la société ? Que nos voisins européens qui l’ont fait n’ont pas été engloutis ? (...)
Reste à espérer que la longue campagne qui s’ouvre suscite d’autres voix, d’autres rapports de force, pour infléchir cette tendance et mettre fin aux oppositions mortifères entre les classes laborieuses de ce pays.
(...) Wikio