
Les deux avocats Jean-Paul Teissonnière et Sylvie Topaloff dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’archaïsme de la loi sur les accidents du travail de 1898 qui ne permet pas aujourd’hui de régler la dette à l’égard des victimes contaminées au travail.
Tribune. Il y a plus d’un siècle à propos du débat sur la loi portant réparation des accidents du travail, le professeur Louis Josserand (1868-1941) rappelait l’impossible neutralité du droit.
Si un système juridique est incapable après un accident d’attribuer le risque, alors la place vide du responsable sera occupée par la victime. C’est elle qui dans sa chair et jusqu’au prix de sa vie en supportera les conséquences sans pouvoir s’en décharger ne serait-ce que symboliquement sur ceux qui sont à l’origine de son malheur. Or dans les catastrophes sanitaires les acteurs sont nombreux, les causes souvent multiples, la complexité qui tient à la nature des faits permet difficilement de remonter la chaîne causale. (...)
Il appartient au système juridique d’attribuer le risque. Or les systèmes d’indemnisation des victimes sont exagérément diversifiés, inégaux et incohérents. (...)
Il faut d’urgence construire un système moderne de reconnaissance et d’indemnisation intégrale spécifique sous forme d’un fonds cofinancé par les entreprises et par l’Etat (...)
(...) Aïcha Issadounène, 52 ans, caissière au supermarché Carrefour de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) depuis trente ans, laisse ses proches dans une immense détresse. Un des effets de cette pandémie aura été que nous nous mettions à regarder avec reconnaissance et considération ces travailleurs autrefois invisibles. Au travers d’une juste indemnisation de ses enfants nous dirons que nous ne les abandonnons pas sur le bord du chemin une fois la crise surmontée. (...)