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Libération
Le Conseil constitutionnel et la liberté de frauder ?
Eva Joly Vice-présidente de la Commission d’enquête du Parlement Européen sur les Panama Papers
Article mis en ligne le 15 décembre 2016

Dans leur décision du 8 décembre sur la loi « Sapin 2 », les « Sages » ont invalidé l’obligation de publication par les multinationales d’informations pourtant indispensables pour lutter contre l’évasion fiscale. Rendue au nom de la « liberté d’entreprendre », cette décision préserve surtout la liberté de frauder.

Le Conseil constitutionnel a commis une regrettable erreur d’appréciation dans sa décision rendue le 8 décembre dernier sur la loi « Sapin 2 ». Il a en effet censuré les dispositions concernant le « reporting public pays par pays », c’est-à-dire l’obligation pour les multinationales réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros de publier les données relatives aux impôts dont elles s’acquittent dans les pays où elles exercent leurs activités.

Les « Sages » considèrent que cette obligation de transparence, pourtant fort peu ambitieuse, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, alors qu’elle poursuit un objectif de valeur constitutionnelle : la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Que nous dit le Conseil constitutionnel dans sa décision ? Que les montages fiscaux bien souvent frauduleux constituent un élément normal et important de la stratégie industrielle et commerciale des multinationales. Et que révéler les données fiscales entraverait la « liberté d’entreprendre » de ces entreprises. (...)

Deux ans après les révélations des Luxleaks, les parlementaires écologistes européens ont encore récemment mis en lumière les pratiques abusives de multinationales telles que IKEA, BASF ou encore ZARA. Les citoyens et contribuables sont en droit d’attendre que toutes les entreprises paient leur juste part d’impôts. Et l’obligation de transparence est précisément l’un des meilleurs moyens de contrôler efficacement que les multinationales n’abusent pas des différences de législations nationales pour éviter de payer leurs impôts là où la richesse est créée. (...)

Le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques est également mis à mal par cette décision. Car si la plupart des PME paient leur juste part d’impôts, les géants y échappent très souvent. Les petites entreprises n’ont en effet pas les moyens de réaliser des montages fiscaux aussi complexes que les multinationales.
L’UE a le pouvoir de combler les lacunes actuelles

Après une telle décision, que faire ? Agir à l’échelle internationale. Comme dans les années 1990 où nos combats ont permis de mettre fin à la tolérance de la corruption, il convient aujourd’hui de s’emparer du nouveau fléau qu’est l’évasion fiscale en mettant un terme à l’impunité dans ce domaine aussi.
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