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La vraie raison de la diminution de la durée de vie
André Cicolella est président du Réseau environnement santé
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Article mis en ligne le 4 février 2016
dernière modification le 30 janvier 2016

L’espérance de vie à la naissance a reculé en France en 2015, une première depuis 1969. L’auteur de cette tribune y voit la conséquence de la crise sanitaire dans laquelle s’enfonce la France à cause de la multiplication des maladies chroniques dont les causes sont environnementales.

(...) Il est donc plus vraisemblable que les chiffres d’ « espérance de vie » publiés aujourd’hui sont la conséquence de la situation de crise sanitaire dans laquelle la France s’enfonce depuis plusieurs années en raison de l’explosion des maladies chroniques, à l’opposé du discours angélique « sur la santé des Français qui n’a jamais été aussi bonne parce que l’espérance de vie progresse ».

Pourtant les faits sont là. Depuis plusieurs décennies, les maladies chroniques explosent. En France, le meilleur indicateur est celui des affections de longue durée (ALD) publié par la Caisse nationale d’assurance maladie. Ce dispositif créé en 1945 prend en charge à 100 % les frais médicaux lorsqu’une personne est atteinte d’une maladie engendrant des coûts élevés. Depuis 1990, les maladies cardiovasculaires ont progressé 5 fois plus vite que la population, le cancer 4 fois plus, les affections psychiatriques 3 fois plus, le diabète 6 fois plus (depuis 2000)... Or la mortalité des personnes en ALD, à âge et sexe identiques, est 2,9 fois supérieure à celle des personnes non ALD et 5,8 fois plus avant 70 ans. (...)

La précarité est un autre facteur qui diminue l’espérance de vie. En France, le nombre de bénéficiaires de la CMU a progressé de 50 % entre 2007 et 2011, passant de 1,4 à 2,2 millions de personnes. Or, ceux- ci sont en moins bon état de santé que le reste de la population. Ils sont 1,8 fois plus nombreux, à âge et sexe identique, à être en ALD et avec une surmortalité de 50 % par rapport au reste de la population en ALD (2,5 % contre 1,8 %).

La crise sanitaire engendrée par l’explosion des maladies chroniques n’est pas spécifiquement française. (...)

L’évolution des connaissances scientifiques permet de comprendre aujourd’hui que l’exposition pendant la grossesse conditionne largement l’état de santé des futurs adultes. Le livre blanc publié à l’occasion de la troisième conférence « Programmation prénatale et toxicité », organisée à Paris en mai 2012 par la Society of Toxicology, conclut : « Beaucoup des grandes maladies et des atteintes fonctionnelles dont la prévalence a augmenté substantiellement au cours des quarante dernières années apparaissent être liées pour partie à des facteurs de développement consécutifs à des déséquilibres nutritionnels ou des expositions environnementales aux substances chimiques  : obésité, diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, asthme et allergies, maladies immunes et auto-immunes, maladies neurodéveloppementales et neurodégénératives, puberté précoce et infertilité, certains types de cancer, ostéoporose, dépression, schizophrénie et sarcopénie ». Les perturbateurs endocriniens, qui sont devenus familiers depuis l’interdiction du bisphénol A dans les biberons, représentent un cas de figure de ce phénomène.

Il est temps de cesser de regarder la réalité avec des lunettes roses de l’Insee. (...)

S’il est important de soigner les maladies, il est tout aussi important de faire en sorte qu’elles frappent le moins de monde possible. C’est un enjeu éthique, mais aussi économique et, in fine, politique. Le coût des maladies chroniques est la cause majeure de la croissance des dépenses d’assurance-maladie ce qui met en péril l’existence même du système solidaire et donc la cohésion sociale.