
La France serait moins compétitive que l’Allemagne. Medef et gouvernement français mettent en cause des cotisations sociales trop lourdes imputables… aux 35 heures. Mais derrière ces analyses économiques se cache surtout la ferme volonté d’en découdre avec la protection sociale et le droit du travail.
Enquête sur une série de contrevérités. (...)
L’année 2011 s’annonce sportive pour les salariés français. Sous prétexte de dénoncer les 35 heures, une grande opération de communication politique veut les convaincre que non seulement ils ne travaillent pas assez, mais qu’en plus leur travail coûte trop cher. L’issue du conflit sur la réforme des retraites a redonné de l’énergie à ceux qui veulent en découdre avec ce qui s’apparente à la protection sociale. Dont le coût est considéré comme un manque à gagner par les actionnaires des entreprises. De Manuel Valls à Laurence Parisot, en passant par Jean-François Copé, la réduction du temps de travail est dénoncée comme étant la source du manque de compétitivité français et de l’irrésistible ascension de la courbe du chômage
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« Ce que nous appelons main-d’œuvre dans les définitions Eurostat, précise la présidente du Medef, c’est l’ensemble de la population salariée, quel que soit le niveau et le statut de salariat. Donc, cela va de l’ouvrier jusqu’au cadre ». Traduction : comme les bas salaires sont quasiment exonérés de cotisations patronales, il faudrait s’attaquer aux cotisations des emplois qualifiés. En conclusion, la présidente du Medef préconise pour lutter contre le manque de compétitivité des entreprises française, de réduire les cotisations patronales et « de passer à une durée conventionnelle [du temps de travail] à la place d’une durée légale ». Ou comment démanteler pas à pas le droit du travail… (...)
Comme Laurence Parisot, le cabinet Coe-Rexecode conseille au gouvernement que les entreprises fixent elles-mêmes la durée du travail. Heureusement, le Comité européen des droits sociaux (une émanation du Conseil de l’Europe) « veille au grain ». Fin décembre 2010, il a jugé « déraisonnable » et non conforme à la charte européenne des droits sociaux, la réforme du temps de travail imposée par Xavier Bertrand en 2008 qui prévoyait à 78 heures la durée maximale de travail hebdomadaire que les employeurs peuvent imposer à leur cadres travaillant au forfait-jour. (...)
Le Medef vivrait-il dans une autre réalité ? C’est ce que laisse penser le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2009. Il remarque qu’il est courant de considérer la France comme désavantagée dans la compétition internationale par un niveau de charges élevé sur le travail, en particulier du fait de l’importance des cotisations patronales. Or, pour les entreprises, le meilleur indicateur économique du coût du travail n’est pas le niveau de prélèvements sur le travail, mais son coût complet. Les seuls prélèvements obligatoires sur le facteur travail ne représentent qu’entre 7 et 10% des coûts totaux. (...)
« Plutôt que de lutter contre le chômage, l’allégement de charges constitue d’abord une faveur accordée aux employeurs pour diminuer leur masse salariale et ainsi préserver leur taux de profit », explique Éric Verhaeghe. Cet énarque connaît bien le milieu patronal. Membre du Medef et président de l’Apec, il a démissionné le 12 janvier 2011 de ses fonctions et rendu tous les mandats qu’il détenait au nom du Medef (...)