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le Monde Diplomatique
La référence à Philippe Pétain
lundi 30 avril 2012, par Alain Garrigou
Article mis en ligne le 30 avril 2012

Comparer un président de la République en exercice à Philippe Pétain, ce n’est pas seulement un argument outrancier de la polémique politique. C’est évoquer une figure dictatoriale qui a aboli la République et appelé à la collaboration d’Etat avec l’occupant nazi. Ce chef de l’Etat français, après avoir été adulé par un peuple en détresse, a été condamné à mort à la Libération et gracié à cause de son grand âge. Le syndrome de Vichy continue manifestement d’habiter le présent.

L’historien se méfie de ces parallèles, même s’ils appartiennent à un procédé classique de l’historiographie. Depuis Plutarque et ses « Vies parallèles », où les biographies étaient menées par paires (Périclès-Fabius Maximus, Alcibiade-Coriolan, etc.), la comparaison et la référence ont toujours servi à comprendre l’histoire. Celle-ci fut d’ailleurs l’école qui offrait des modèles aux gouvernants. Aujourd’hui serait-ce seulement un procédé de lutte électorale pour se grandir ou discréditer l’adversaire ?

En faisant la part de ce qui revient aux débordements polémiques, l’historien doit bien s’arrêter à ces évocations historiques plus rares qu’auparavant. Il le doit d’autant plus qu’elles peuvent paraître tout sauf anodines. (...)

Il est toujours surprenant de constater que les pauvres puissent être tentés par l’extrême droite. Ce n’est pourtant qu’une banalité de la condition des « petits blancs », ainsi qu’on désignait après la guerre de Sécession aux Etats-Unis les Blancs pauvres du Sud, plus racistes que tous les autres parce qu’ils se sentaient plus menacés par les Noirs qui leur étaient inférieurs. La peur du déclassement n’est pas abstraite mais se fonde sur les rapports concrets de la vie ordinaire. Fussent-ils fantasmatiques comme dans le Sud raciste américain. La proximité matérielle et spatiale nourrit le racisme et l’extrême droite, qui apportent des réponses simples et rattachées à l’expérience, même si celle-ci est trompeuse.
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On voit bien comment aujourd’hui, l’immigré, non plus le juif mais le musulman à moins que ce ne soit l’arabe, sert de classe paria pour à la fois effrayer et rassurer les Français apeurés par le déclassement
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A en juger non seulement par les discours de Nicolas Sarkozy, mais aussi par ceux de ses fidèles comme la droite populaire de Lionnel Luca ou de Laurent Wauquiez, mais aussi à observer les militants du parti du président, leur sociographie et leurs réactions dans les meetings et sur les forums internet, il semble bien que l’UMP soit aujourd’hui un parti néopétainiste. Pour une formation qui vient historiquement du gaullisme, c’est, au mieux, un sacré paradoxe.

Ce n’est pas une conclusion rassurante. (...)

La défaite de Nicolas Sarkozy le 6 mai ne ferait qu’enregistrer le fiasco d’un chef et de son équipe. Le péril en serait-il amoindri ? Il ne faut jamais jouer la politique du pire. Mais le péril subsistera tant que nos sociétés ne sortiront pas de la crise. Et quoiqu’il en soit de la majorité, il restera, même en cas de victoire démocratique, une infinie tristesse d’en être là. Autant de citoyens encore tentés par les solutions autoritaires et racistes, sans en comprendre les implications sans doute, c’est déjà désespérant. (...)

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