
Le Sahel est soumis à des sécheresses dramatiques provoquant des famines endémiques depuis plus d’une quarantaine d’années. Durant 20 ans, la surexploitation des terres agricoles et la mauvaise gestion des ressources d’eau étaient pointées du doigt. Or le principal responsable serait la pollution atmosphérique générée par l’hémisphère nord...
Le Sahara grignote peu à peu le Sahel, cette bande de l’Afrique qui marque la transition entre le climat aride du désert au nord et le climat plus tropical au sud. L’Afrique centrale a connu des décennies de sécheresse intense, notamment durant la période 1960-1980, avec un pic au début des années 1980. Le lac Tchad, qui borde le Niger, le Tchad, le Nigéria et le Cameroun, était jadis l’un des plus grands lacs du monde. Il alimente en eau plus de 20 millions de personnes, mais il s’est tellement réduit depuis les années 1960 que la navigation y est aujourd’hui interdite.
Surpâturages et mauvaises gestions agricoles étaient jusqu’alors considérés comme la principale cause de sécheresse du lac. Il semble maintenant que la pollution atmosphérique dans l’hémisphère nord soit en réalité plus à blâmer pour le déficit de précipitation et l’asséchement du lac en résultant. En effet, durant la période 1960-1980, les États-Unis et l’Europe faisaient tourner sans restriction les centrales à charbon (chargées en soufre), émettrices d’aérosols sulfatés en masse dans l’atmosphère. Cette augmentation de la quantité d’aérosols sulfatés (formés à partir du dioxyde de soufre SO2) dans l’hémisphère nord a refroidi l’atmosphère, et par la suite déplacé la bande de précipitations tropicales vers le sud. (...)
Cette étude est intéressante, car, plutôt que de se concentrer sur la seule zone géographique du Sahel, les chercheurs ont évalué s’il y avait un schéma climatique à plus grand échelle. « Les gens n’ont pas ressenti le refroidissement dans l’hémisphère nord parce qu’il a été en partie compensé par le réchauffement lié aux gaz à effet de serre, les températures sont restées presque constantes », commentait Yen-Ting Hwang, principal auteur de l’étude.
La bonne nouvelle dans l’histoire est que depuis la fin des années 1980, les émissions d’aérosols sulfatés ont été réduites, et les observations montrent que la bande tropicale remonte vers le nord.
Actuellement, les mesures de température suggèrent que la tendance s’est inversée. La température de l’air s’accroît plus rapidement dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud, en raison de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Une bonne nouvelle pour le Sahel donc, mais pas tellement pour nos régions.