
L’article 62 de la loi Élan, adoptée mardi, met fin à des dispositifs de la loi Abeille qui permettaient un contrôle de l’implantation des antennes relais. L’autrice de cette tribune, à l’origine de la loi de 2015, explique comment la « Macronie » a sacrifié l’intérêt général aux intérêts particuliers.
L’Assemblée nationale a adopté la loi Élan [Évolution du logement et aménagement numérique] ce mardi 12 juin 2018. Avez-vous remarqué qu’à l’article 62 de cette loi, consacrée essentiellement au logement, quelques lignes concernaient les installations d’antennes relais de téléphonie mobile ? Ces quelques lignes signent la fin du dispositif prévu dans la loi dont je suis l’auteur, en supprimant le délai de deux mois qui permettait l’information et la concertation autour des implantations d’antennes. [1]
Cet article 62 est ce qu’on appelle un « cavalier législatif », c’est-à-dire qu’il n’a rien à voir avec le reste de la loi, consacrée aux questions de logement. On peut penser que c’est sous la pression du lobby des opérateurs de téléphonie mobile que cet article a été ajouté. (...)
Dans les débats parlementaires et dans les médias, j’ai, à de nombreuses reprises, rappelé les inquiétudes des scientifiques sur la nocivité des ondes électromagnétiques, la nécessité d’appliquer le principe de précaution, de travailler avec les associations, de protéger les personnes électro-hypersensibles. Le gouvernement avait d’ailleurs commandé en 2013 un rapport qui avait conclu à la nécessité de modérer l’exposition aux ondes.
C’est en ville que les délais qu’imposait ma loi gênaient vraiment les opérateurs (...)
Les dispositifs de la loi « Abeille » sur les implantations d’antennes n’avaient rien de très contraignant pour les opérateurs. Ceux-ci n’ont pourtant jamais désarmé pour les supprimer, prétendant qu’ils alourdissaient leur mission de couverture du territoire. C’est assez savoureux lorsqu’on connaît la réalité des pratiques des opérateurs… qui cherchent essentiellement à obtenir les meilleurs emplacements dans les zones très peuplées, pour une rentabilité maximum. Quiconque connaît la situation de la téléphonie mobile dès qu’on s’éloigne des centres urbains comprend ce que je veux dire. Là, personne ne cherche à implanter d’antennes…
En ville, en revanche, c’est très différent et la population se trouve plutôt inondée d’ondes. (...)
Derrière tout ça, une idéologie ultralibérale…
Avec cet article 62, le gouvernement a donc sacrifié un dispositif protecteur au profit des opérateurs qui, comme je l’ai indiqué, ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’État. Car la doctrine de la « Macronie » est de « faire confiance aux professionnels », donc tout le contraire de ce que doit être l’action politique, au service des plus fragiles et dans la défense de l’intérêt général.
Ce sont bien les intérêts particuliers qui sont défendus dans ce gouvernement, qui invente des principes comme le « principe de réalité », se gargarise de « pragmatisme » pour, en fait, favoriser les entreprises au détriment des populations. Tout cela est bien sûr sous-tendu par une idéologie, celle de l’ultralibéralisme (...)
Alors, la loi Abeille est en partie détruite, comme le souhaitaient les opérateurs. Mais la lutte contre la pollution électromagnétique et les pratiques des opérateurs doit se poursuivre, aux côtés des associations comme Robin des toits, Priartem, Générations futures et bien d’autres.