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La faillite de Mme Badinter, nouveau soutien de Marine le Pen
Jean Baubérot - 3 octobre 2011
Article mis en ligne le 3 octobre 2011

Elle fustigeait les femmes écologistes, la voilà du côté de Mme Le Pen. Faillite d’une intellectuelle donneuse de leçons - et copropriétaire de Publicis

Le Monde.fr a publié, jeudi 29 septembre 2011, de larges extraits d’une interview d’Elisabeth Badinter au Monde des religions. J’ai dû les relire deux fois pour être sûr qu’il n’y avait pas maldonne. Malgré tout ce qu’elle avait déjà dit et écrit, je ne pouvais penser que cette philosophe soit tombée aussi bas. Elle affirme en effet : « En dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité ». Non seulement elle cautionne ainsi les propos de la leader d’extrême droite, mais elle en fait la championne par excellence de la laïcité. Selon elle, la gauche aurait « complètement abandonné ce combat », Manuels Valls (qui ne sera sans doute pas ravi de se retrouver en si mauvaise compagnie) étant, selon ses dires, l’exception qui confirme la règle.

On croit être en plein cauchemar, vu l’influence de la philosophe. Mais malheureusement, il ne s’agit nullement d’un dérapage, encore moins d’une citation tronquée. Elisabeth Badinter donne elle-même l’explication logique de cette incroyable connivence. (...)

Madame Badinter a parfaitement le droit de détester les religions, leurs œuvres et leurs pompes. Elle peut les critiquer publiquement et de plusieurs manières tant qu’elle le veut. Mais elle a absolument tort de faire coïncider la laïcité avec sa position personnelle... et on voit jusqu’où cette très grave dérive la conduit.

Le ver est dans le fruit dès que l’on veut réduire, au nom de la laïcité, la religion à la sphère privée, entendue comme étant la sphère « intime ». Cette position est absolument contraire à la loi de 1905 qui affirme dans son Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées [dans la loi elle-même] dans l’intérêt de l’ordre public ».
(...)

La laïcité que prône Marine Le Pen est, en tout point, contraire à la laïcité historique. Elle est contraire à la laïcité de Jules Ferry, qui a obligé l’école publique laïque à s’arrêter un jour par semaine pour faciliter la tenue du catéchisme, à la laïcité de Briand et de Jaurès, qui a donné la loi de 1905. Madame Badinter reproche à la gauche d’émettre « l’équation suivante : défense de la laïcité égale racisme » ; mais promouvoir cette laïcité-là, dévoyée, falsifiée, c’est effectivement du racisme ou du moins de la xénophobie : quand les JMJ se sont tenues à Paris, ou lors de la venue de Benoît XVI, avec une grande messe sur le champ de Mars où assistaient maints ministres, l’extrême-droite a-t-elle crié à l’atteinte à la laïcité ? Non, et elle ne le ferait pas plus aujourd’hui qu’hier car elle tente de récupérer le catholicisme comme élément identitaire, comme racine culturelle de la Frrrance. Elle n’est pas la seule d’ailleurs : c’est une vieille idée nationaliste depuis Maurras. (...)

L’appartenance à une religion relève d’un choix privé, c’est-à-dire du choix personnel de chacun. En conséquence, la religion ne doit pas être une institution publique. C’est le sens de la loi de 1905 qui abolit tout caractère officiel de la religion. Mais non, absolument non, si on signifie ainsi, et tel est le propos d’Elisabeth Badinter, que la religion doit être réduite à une réalité confinée dans la sphère intime, ne pouvant pas s’exprimer dans l’espace public. (...)

Or, aujourd’hui, certains tentent, pas seulement à l’extrême droite mais également à l’UMP, voire chez des personnes qui se veulent de gauche, de réprimer des expressions de la religion dans l’espace public. Il faut savoir que même les périodes de répression de la religion, telle la révocation de l’Edit de Nantes, ont prétendu sauvegarder la liberté de conscience dans la sphère intime, la devotio privata comme on le disait à l’époque.

Cette clarification est essentielle pour que personne ne soit dupé par une falsification de la laïcité qui, aujourd’hui, va malheureusement de Marine Le Pen à Elisabeth Badinter. (...)

Déclarer : « En dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité », aucune personnalité connue ne l’avait jamais fait jusqu’alors. On peut donc s’indigner à bon droit. Comme citoyen je suis effectivement scandalisé. Comme historien et comme sociologue, je cherche l’explication de propos aussi aberrants. Il me semble la trouver dans l’affirmation, à la sincérité naïve, de la philosophe : « Je ne comprends pas ce besoin actuel d’exhiber une identité religieuse ».
(...) Wikio