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le Monolecte
La caverne de papier
Article mis en ligne le 1er août 2019

Je suis profondément fascinée par l’incommensurable vacuité de La Casa de papel, la série présentée par beaucoup comme une performance palpitante et une petite révolution du genre. (...)

La clé de la série tient dans le concept même du plan tout capillotracté du cerveau de l’histoire : il s’agit, coute que coute et à n’importe quel prix, de gagner du temps.

Rien d’autre.

Il s’agit de concrétiser jusqu’à la nausée l’inaltérable idée qui nous est rabâchée chaque heure de notre industrieuse existence que le temps, c’est de l’argent et que tout le propos du braquo est de distraire sans cesse les flics pour que la planche à billets tourne le plus longtemps possible. Il faut donc détourner sans cesse leur attention pour qu’ils ne prennent jamais conscience que les otages ce ne sont pas les gus en grenouillère écarlate coincés dans le bâtiment, mais bien eux, prisonniers du spectacle et d’un agenda contrôlé par ceux qui les manipulent, avec, souvent, une maladresse confondante…

Tu la vois arriver, là, la grosse révélation ? Tu le sens, ce léger malaise à la lisière de ta conscience, scotché dans ton canapé, hypnotisé par la énième bouffonnerie de la plus grosse équipe de bras cassés de tous les temps, au point que tu continues quand même à mater cette purge, rien que pour le plaisir de te sentir tellement plus malin que toute la brochette de protagonistes réunie ? Est-ce que tu goutes ce vertige stratosphérique quand tu comprends enfin que le véritable otage de l’histoire, c’est toi, le spectateur ? (...)

On ne t’a jamais menti. Dans cette affaire, le temps c’est de l’argent. Rien d’autre. (...)

Parce qu’elle est là, la mise en perspective concrète de la série qui vient du pays de Don Quichotte, la vérité ultime de notre société du spectacle : amuser la galerie pendant qu’on fait les poches du chaland ! (...)

tout cela participe d’une immense entreprise de distraction qui n’a d’autres finalités que de nous maintenir le plus longtemps possible dans la sidération pendant le plus gros braquo de notre temps : nos droits fondamentaux, dont le plus important de tous, celui à un avenir.

Adìos le système de santé universel, adìos l’Éducation nationale, adìos l’égalité des chances, les aides au logement, l’indemnisation du chômage, adìos les retraites ! Mais aussi adìos les forêts, les ruisseaux, l’eau potable et l’air respirable… Adìos, les enfants ! Adìos le droit de vivre une vie humaine digne, adìos la justice, la vérité, le droit de grève et de manifestation … Adìos Steve… Oh, regardez ! Il y a des voyous qui ont cassé nos permanences… toutes nos condoléances vont aux familles des vitrines…

Et ça ne s’arrête même pas à nos frontières (...)

Et pendant ce temps, la planche à billets tourne, tourne, tourne…