
Plutôt réservée aux pays frontaliers, la France a signé avec le Qatar en 1990 une convention fiscale très avantageuse pour les résidents et investisseurs qataris en France. Révisée en 2008 après l’intervention des émissaires qataris dans la libération des infirmières bulgares, elle permet entre autres aux résidents qataris de payer moins d’ISF. Du sur mesure fiscal qui explique bien des investissements qataris récents...
(...) Il est des niches fiscales auxquelles le gouvernement est plus pressé de s’attaquer qu’à d’autres. Les résidents qataris en France peuvent dormir tranquilles. Bercy n’a pas encore évoqué la possibilité de remettre en cause le statut fiscal d’exception dont ils bénéficient en territoire français comme l’a rappelé Slate dans un récent article.
Trois ans après l’instauration de cette super niche fiscale, on voit comment se met en place la stratégie d’influence du Qatar qui participe de son rayonnement international et de sa puissance économique : rachat du PSG, d’une partie des droits de la Ligue 1 et de la Champions League, mise en route d’Al Jazeera Sports, nombreux investissements dans l’immobilier (l’Hotel Lambert sur l’Ile Saint Louis et l’Hôtel Evreux, place Vendôme), investissements en banlieue. Pour la pétro-monarchie, la France est un véritable îlot fiscal. (...)
Alors qu’on leur serine des discours sur la traque des exilés fiscaux, les résidents français seront ravis d’apprendre que les représentants de l’Etat négocient des conventions fiscales, véritables lois d’exception, dont certaines parties sont rédigées à la demande d’un pays tiers…
Cerise sur le gâteau fiscal en matière d’ISF, dont on se doute qu’une grande partie des résidents qataris en France y sont assujettis, « les biens situés hors de France d’un citoyen du Qatar résidant en France n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune pour une période de cinq ans après qu’il soit devenu résident français » et « le citoyen qatari qui perd la qualité de résident de France pendant au moins trois ans, mais le redevient, est exonéré d’impôt sur la fortune sur ses biens situés hors de France pour une période de cinq ans après qu’il soit redevenu résident français ».
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En outre de nombreux experts en fiscalité expriment des réserves sur les abus de ces conventions, qui font souvent l’objet de détournements et laissent planer un certain flou sur la question de savoir à quel Etat contractant doivent revenir les recettes fiscales dérivées de l’élimination de la non-imposition. Surtout, dans ses conventions fiscales, la France prévoit généralement avec les autres pays une retenue à la source d’au moins 15% sur les dividendes. Le Qatar fait partie des exceptions avec un taux généreux de...0 %, laissant au Qatar le soin de les fiscaliser.
Si la France a consenti bien des « sacrifices » fiscaux pour séduire ses amis qataris, considéré par le magazine Forbes comme « le pays le plus accueillant fiscalement », le Qatar s’est montré moins généreux. (...)
Munis de la convention fiscale, qui leur assure un traitement adouci, les businessmen qataris n’hésitent plus a s’installer en France pour y investir les milliards de dollars de leur rente gazière. Mais la montée en puissance du Qatar dans l’hexagone ne fait pas que des heureux. L’exemple Canal+ suffit à s’en persuader. (...)
Plus complet, le rapport d’Adrien Gouteyron, ancien sénateur UMP, arrivé en fn de mandat le 30 septembre 2011, détaille les « solides relations économiques et l’étroitesse des liens personnels entre dirigeants » qui unissent la France et l’émirat qatari : tourisme, aéronautique, gaz, pétrole, électricité, infrastructures, sécurité intérieure, coopération scientifique. Et surtout accords de défense : « « 80% des équipements de l’armée qatari sont d’origine française ».
Bref, un régime politique absolutiste mais un allié stratégique, géopolitique et commercial suffisamment important pour lui construire un statut fiscal hors normes. Du sur-mesure…