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Le Monde Diplomatique
L’ode papale à la « bonne » économie
Décryptage de l’encyclique « Caritas in veritate »Par Serge Latouche
Article mis en ligne le 13 février 2011
dernière modification le 12 février 2011

Pourtant saint patron des banquiers et des comptables, l’apôtre Matthieu fustigeait l’argent : « Aucun homme ne peut servir deux maîtres. Car toujours il haïra l’un et aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon » (Matthieu 6, 24). Deux mille ans plus tard, assis sur le trône de Pierre, Benoît XVI célèbre le ralliement de l’Eglise catholique à l’économie de marché...

Pour Benoît XVI, la mondialisation apparaît comme une bonne chose, de même que le libre-échange. On est proche des positions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), dont l’ancien directeur, M. Michel Camdessus, fut conseiller de Jean Paul II. Dans un livre intitulé Notre foi dans ce siècle, cosigné avec Michel Albert et Jean Boissonnat, M.Camdessus voyait dans la globalisation « l’avènement d’un monde unifié et plus fraternel ». Nos experts chrétiens osaient même affirmer : « La mondialisation est une forme laïcisée de christianisation du monde (5). »(...)

La globalisation serait « le principal moteur pour sortir du sous-développement » (p. 50). Aussi n’y a-t-il « pas de raison de nier qu’un certain capital peut faire du bien, s’il est investi à l’extérieur plutôt que dans l’économie nationale » (p. 64). La délocalisation heureuse ! « Il n’y a pas non plus de raison de nier que les délocalisations, quand elles comprennent des investissements et de la formation, peuvent aider les populations du pays d’accueil » (p. 64).(...)

Pas un mot sur l’injustice et l’immoralité du libre-échange imposé aux pays pauvres ; il suffit de les aider à s’adapter : « Il est bien sûr nécessaire d’aider ces pays à améliorer leurs produits et à mieux les adapter à la demande » (...)

Grâce à la confusion entretenue par l’idéologie dominante entre « les marchés » et « le marché », c’est-à-dire entre l’échange traditionnel et la logique de l’omnimarchandisation, l’économie du même nom n’est pas non plus condamnée : « La société ne doit pas se protéger du marché comme si le développement de ce dernier impliquait ipso facto la mort des rapports authentiquement humains. »

Quant à la destruction de l’environnement, le problème est certes évoqué, mais rapidement évacué. (...)

Au final, la condamnation des injustices et de l’immoralité de l’économie mondiale actuelle va plutôt moins loin que celle du G20 de Londres et du président français Nicolas Sarkozy dénonçant les « excès » de la finance et du néolibéralisme et appelant à une moralisation du capitalisme, ou que celle du président américain Barack Obama fustigeant l’obscénité des bonus et des superprofits des banques. A croire que le Grand Inquisiteur de Dostoïevski, dans Les Frères Karamazov, avait raison de dire au Christ : « Va-T-en et ne reviens jamais plus... »

(...)

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