
(...) Ceci est le récit d’un séjour en hôpital psychiatrique, il ne reflète pas la réalité de tous ces types d’établissements mais la perception qu’en a eu l’auteur au moment de son passage.
J’ai fait un séjour en hôpital psychiatrique. En trois semaines, j’ai été hospitalisé dans deux institutions différentes, en voici les raisons dans un court récit. Je n’ai pas la prétention de renouveler le genre, des auteur·e·s comme Goffman, Foucault et d’autres ont déjà traité du sujet, j’ajoute juste un témoignage supplémentaire. (1)
Première hospitalisation
J’ai été hospitalisé aux urgences psychiatriques -que nous nommerons Pierre Carrens- après une forte crise d’angoisse et suicidaire, au beau milieu de la nuit. (2) Une de mes hantises était d’aller dans un établissement du genre institution totale (je ne vais pas redéfinir ici le concept « d’institution totale » créé par Goffman (3), car il comporte de nombreux éléments que l’hôpital psychiatrique rempli évidemment), par peur d’y rester enfermé j’ai toujours refusé de me rendre aux urgences psychiatriques.
Ne pouvant plus me contrôler ce soir là, j’ai dû accepter d’y aller.
Il a fallu réveiller le colocataire de la personne chez qui j’étais, afin qu’il m’y emmène en voiture. Une fois là-bas j’ai été pris en charge par des médecins psychiatres de qualité, à l’écoute, rassurant·e·s. Iels m’ont donné·e·s un traitement sédatif et m’ont mis dans une chambre libre.
Les draps étaient en papier pour ne pas pouvoir faire de noeuds, le « pyjama » que l’on m’a fourni était aussi en papier facilement déchirable et je n’avais pas de housse d’oreiller non plus.
L’ensemble de mes vêtements et effets personnels ont été mis dans un placard sous scellé. Mon téléphone portable m’a été supprimé. Me voilà donc, en pyjama de papier bleu, errant dans un couloir avant que le sédatif très puissant ne fasse effet. Il n’aura pas fallu longtemps, 15 minutes plus tard je dormais à poings fermés.
2h : Arrivé aux urgences.
3h : endormi.
7h : réveil.
Il faut prendre les premiers médicaments, faire une prise de sang et manger le petit déjeuner. Ce dernier est servi sur un plateau directement dans la chambre, ce sera le cas pour tous les repas, ce qui coupe de toutes relations sociales. Aucune explication sur les résultats de la prise de sang. Aussitôt le repas pris, aussitôt rendormi.
12h : réveil.
On m’apporte mon plateau-repas accompagné des médicaments. Je me rendors aussitôt. (...)
La seule activité de ma journée étant de rester dans une chambre de 9m2 environ 23h30 sur 24h. La demi heure de « libre » étant de tourner en rond dans une cours de 20m2 bétonnée, grillagée, accompagné d’un·e aide soignant·e. Je n’ai jamais été en prison. Il me semble cependant que mon expérience dans cet hôpital peut se rapprocher de celle d’un prisonnier. Les témoignages des camarades passé·e·s par la case prison, ainsi que les différents reportages (qui, j’en suis conscient ne sont pas neutres) sur le sujet, laissent à voir de fortes similitudes entre ces deux institutions.
Le deuxième ou troisième jour – je perds mes repères à cause des médocs
J’ai l’autorisation d’avoir mon téléphone portable pour quelques heures. Je vois donc pour la premières fois les messages de mes proches qui me témoignent leur soutien. Je réalise que l’on m’envoie de l’amour. Ces témoignages d’affection me touchent et m’émeuvent beaucoup, je réalise la souffrance que j’imposerai à mes proches si je me suicidais maintenant. Dans la journée le psychiatre estime, tout de même, que mon état de santé permet d’ouvrir le placard. Mais on me supprime de nouveau mon téléphone et on m’interdit d’aller me « promener » dans la cour, sans aucune raison, ou du moins sans explication. (...)
Ma cellule est vide, je n’ai aucune distraction, rien pour m’occuper, je n’ai même pas accès à l’heure, je n’ai donc aucune conscience du temps.
Seules mes idées noires vont me tenir compagnie désormais du matin au soir. (...)
l’hôpital psychiatrique semble être un lieu d’enfermement. Enfermement des marginaux de celles et ceux qui ne rentre pas dans les cases pré-construites par la société. Mais il ne semble pas les soigner. Toujours plus lobotomisé·e·s, toujours plus « fous et folles », ces gens que l’on interne reviennent inlassablement dans ces établissement de « soins » et les traumas générés dans ces lieus engendrent bien souvent un mal-être plus grand, ce qui créé un cercle vicieux. Pas sans me rappeler la prison. On y enferme des personnes pour les punir, mais la plupart du temps elles sont plus dangereuses pour elles et pour les autres en en sortant, souvent elles y retournent. (...)
La privation de liberté n’est pas la solution, c’est le problème.
Les hôpitaux psychiatriques, comme les prisons, c’est de la merde. Ce n’est pas une solution, l’institution ne répond pas aux besoins mais exacerbe les problèmes. L’institution, quelle qu’elle soit, est à bannir, d’autant plus quand celle ci est une geôle, sous quelque forme que ce soit. Hôpital psychiatrique, prison, centre de rétention, même combat. Qui sont les personnes internées ? Les parias de la société, les délinquant·e·s, les “fous/folles”, les exclu.e.s… Le point commun entre toutes ces personnes ? ne pas rentrer dans les cases que la société apprécie tant.
Tout le monde déteste les institutions. Alors si c’est mur par mur que nous détruirons les prisons, c’est brique par brique que nous détruirons les hôpitaux psychiatriques.
Soutien à toutes et tous les prisonnier·e·s qu’iels soient en hôpital psychiatrique ou en prison.