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L’histoire, matériel de récup politique
Article mis en ligne le 11 octobre 2016
dernière modification le 6 octobre 2016

Les candidats à la primaire de la droite Nicolas Sarkozy et François Fillon truffent leurs discours de références qui ne laissent pas de place au débat et ne servent qu’à exalter le sentiment patriotique.

(...) Depuis la IIIe République, l’histoire est une discipline valorisée par le pouvoir politique, qui y trouve une inspiration et une légitimité. Nombreux sont les politiques à écrire - faire écrire le plus souvent - un livre d’histoire valorisant, par exemple une biographie qui invite en toute modestie à comparer l’auteur et le sujet.

Les discours des chefs de la droite « décomplexée », truffés de références historiques, ont ceci d’original qu’ils portent sur le contenu et la méthode. Ce sont des discours autoritaires dans la forme et dans le fond, qui ont moins pour objet de proposer leur vision de l’histoire que d’imposer la bonne manière, la seule manière, de faire et d’enseigner l’histoire. Le contenu, c’est une histoire nationaliste, édifiante, visant à mettre en valeur les grandes figures et les héros, une histoire qui doit tourner le dos à la repentance, à l’autoflagellation, aux approches critiques ou simplement nuancées. Il s’agit pour eux, une bonne fois pour toutes, de tirer un trait sur les demandes particulières, par exemple celles issues des mémoires blessées, pour imposer une histoire patriotique dont nous devons êtres fiers : c’est le fameux « récit national », auquel Nicolas Sarkozy avait tenté de donner forme institutionnelle en 2009 avec sa Maison de l’histoire de France, lancée en même temps que les débats sur l’identité nationale.

La méthode, c’est une histoire qui ne soit pas « source d’interrogations », une histoire sans problème, un récit national qui ne soit pas trop embarrassé de porosités et d’échanges avec le reste du monde, aux antipodes de l’histoire-monde, de l’histoire transnationale, bref de tout ce qui anime la recherche historique contemporaine. De préférence aux débats sur les sources, les interprétations, les représentations de l’histoire, que les historiens ont tant de plaisir à partager avec le public des Rendez-Vous de l’histoire de Blois, il faut une histoire au service d’un projet politique, de préférence emplie d’émotion.

En général, les politiques n’ont cure des travaux de recherches en sciences humaines et sociales, et très rares sont aujourd’hui celles et ceux qui ont une culture historique. (...)