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L’espace public est devenu un castelet de marionnettes communicantes
JEAN-FRANÇOIS BALLAY Auteur, réalisateur, essayiste
Article mis en ligne le 12 janvier 2019

Les médias nous repassent en boucle leur perplexité face à la perte de confiance qui mine la démocratie. Mais il est un problème fondamental que ces médias passent totalement sous silence : l’usage de la parole publique. Celle-ci s’est dégradée depuis des décennies que la communication fait la loi, transformant les hommes et femmes publics en marionnettes à qui on ne peut plus faire confiance.

On voit trop d’hommes (et de femmes) politiques, trop de cadres supérieurs dans les entreprises et dans les ministères, trop de dirigeants et de dignitaires, qui ont si bien appris à manier la litote et l’euphémisme pour exprimer leur point de vue, que leur parole se transforme en rhétorique, au mieux creuse, au pire fielleuse et mensongère.

On ne sait plus si ces locuteurs publics sont excessivement soucieux de la "complexité", ou s’ils cherchent la petite bête, ou, plus médiocrement, à noyer le poisson, à dissimuler des petites trahisons, des petits calculs mesquins, des tricheries quotidiennes...

Il est grand temps que ceux qui prétendent diriger les affaires de ce monde mettent au rencard les "éléments de langage" du bon manager et les bonnes convenances des gens bien élevés - et dociles - qu’ils ont appris à être.

Cette langue qu’ont leur a apprise depuis des décennies est une langue de laquais. Cette langue de la communication qu’ils pratiquent non seulement en public, mais entre pairs, et même en famille, c’est une langue de marionnettes. Et ces marionnettes, pour paraphraser le poète Maurice Maeterlinck, "ont les apparences de la vie sans avoir la vie"... (...)

Bravo, donc, et merci, au passage, à Jacques Toubon, ancien ministre de droite métamorphosé dans son rôle de Défenseur des Droits qui effectue, mois après mois, ce remarquable travail dans cette fonction, honorant ainsi la classe politique qui en a tant besoin !

Honte par contre aux hommes politiques qui comme Rémy Rebeyrotte ridiculisent leur fonction d’élu du peuple. Ce genre de personnage a appris toute sa vie à parler de cette façon, et ne se rend même plus compte à quel point il devient lui-même une caricature, une marionnette indigne de siéger au Parlement, une marionnette qui - et c’est le plus grave - fait perdre la confiance en la démocratie chez des millions de gens.

P.S. Mon propos n’était pas ici de mettre sur le tapis les Gilets Jaunes. Si j’ai comparé ici l’espace public à un castelet de marionnettes communicantes, ce n’est pas pour faire, a contrario, l’apologie des réseaux sociaux, où la parole s’exprime de façon brouillonne, souvent excessive, voire franchement agressive. Mais qui sommes-nous pour prétendre juger, avec condescendance et mépris, l’expression d’une juste colère ?

Je dirais donc que ma sympathie va plutôt du côté de ceux qui n’ont pas forcément appris l’usage châtié de la langue, que du côté d’une caste qui se pare de ses diplômes et de son "capital humain" pour mieux trahir la langue, à laquelle un pays comme le nôtre doit tant. Car cette trahison est aussi celle de la démocratie (et, soit dit en passant, le recours à la violence institutionnelle et policière est la plus basse illustration de cette trahison d’une classe aux abois, paniquée à l’idée de perdre ses privilèges).