
Pourquoi certains pays réussissent-ils à se démocratiser ? Sur la base d’une étude regroupant près d’une centaine de cas, deux politistes insistent sur l’importance des institutions et de la redistribution dans le succès des transitions démocratiques.
Le dernier rapport publié par l’ONG Freedom House dresse un tableau sombre de l’état de la démocratie dans le monde. Selon son directeur, Michael J. Abramovitz,
les droits politiques et les libertés civiles à travers le monde ont décliné jusqu’à leur plus bas niveau depuis plus d’une décennie en 2017. [1]
Pendant ces douze dernières années, les pays subissant un déclin de leur environnement démocratique étaient chaque année plus nombreux que ceux dont la démocratisation progressait [2]. L’échec des « Printemps arabes », à l’exception de la révolution tunisienne, nous oblige d’autant plus à nous interroger sur ce retour à l’autoritarisme, mais également sur les déterminants favorisant la réussite des processus de démocratisation. C’est ce que proposent Robert R. Kaufman et Stephan Haggard – respectivement professeurs aux Universités Rutgers et de Californie - dans Dictators and Democrats. Les deux politistes explorent les conditions favorables et défavorables à l’enracinement de la démocratie.
Une critique de la théorie de la modernisation (...)
En prenant pour critère le degré de liberté qu’accordent les autorités aux mobilisations de la société civile, les auteurs proposent une distinction entre autoritarismes « ouvert » et « fermé » qui permet de mieux comprendre pourquoi certaines transitions démocratiques réussissent et d’autres non. Ainsi, les transitions structurées autour de conflits distributifs tendent à davantage se produire dans les régimes fermés à ce type de mobilisation que dans les régimes relativement ouverts. Plus précisément, les régimes militaires ou monopartites auront plus de probabilités de faire face à des conflits distributifs que les régimes multipartites. Ces phénomènes sont alimentés par la prégnance des organisations syndicales et le degré d’industrialisation. Les auteurs rejoignent ici certaines conclusions de la littérature sur les contentieux politiques : la mobilisation contre le régime « est une fonction de deux facteurs clés ; la structure d’opportunité fournie par l’ordre autoritaire, et les ressources organisationnelles disponibles pour les contestataires ».
Les transitions démocratiques menées par les élites dirigeantes elles-mêmes se distinguent par le rôle que les facteurs internationaux jouent dans leur apparition. (...)
Les auteurs attirent enfin l’attention sur les retours à l’autoritarisme s’inscrivant dans une dynamique populiste, dans le cadre desquels les opposants au nouveau régime s’emparent du pouvoir en prétendant défendre les catégories sociales que les performances gouvernementales laissent insatisfaites. Les dirigeants populistes mentionnés par les auteurs parviennent souvent au pouvoir à travers les urnes, mais manifestent progressivement des tendances autoritaires dans la manière de l’exercer. Ce mode de retour à l’autoritarisme prospère particulièrement dans les sociétés où le système démocratique ne parvient guère à redistribuer les ressources aux franges défavorisées de la population (...)