Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
association Autogestion
L’aube du mouvement coopératif américain
Article mis en ligne le 7 mai 2015
dernière modification le 30 avril 2015

Le premier mouvement coopératif américain s’est développé parmi les natifs du continent : les tribus indiennes. La famille élargie indienne mettait tout en commun. La propriété privée des ressources naturelles était inconnue. Les moyens des productions étaient partagés. La tribu des Soshone, proches des Comanches, pratiquait collectivement la chasse aux lapins à l’aide de filets dont la propriété était collective. La confédération des Iroquois, par exemple, pratiquait une démocratie tribale à une large échelle. Le consensus était la méthode privilégiée pour toute prise de décision affectant la vie des tribus. Cette pratique du « commun » s’étendait à l’ensemble des tribus indiennes.

Les premiers colons anglais qui s’installèrent sur le sol américain, organisés sous la forme coopérative, devaient rembourser à des sociétés de crédit le prix de leur voyage à des financiers anglais. Cependant, ils entrèrent vite en conflit avec les financiers londoniens qui voyaient d’un mauvais œil leur autonomie croissante.

Dès 1623, un gouvernement de rébellion est élu, selon le principe un homme (à l’exclusion des femmes) une voix, et gérait la colonie. Cependant, cet esprit démocratique ne devait pas perdurer très longtemps.

Un siècle plus tard, en 1778, la première grève éclate sur le sol américain. Vingt tailleurs de New York cessent le travail en raison d’une réduction de salaire. Afin de pouvoir résister à leur patron et aux briseurs de grève qui avaient pris leur place, ils fondent leur coopérative. En 1791, à Philadelphie le même scénario se reproduit avec des charpentiers qui revendiquent la journée de 10 heures. Au sein de la coopérative qu’ils ont fondée pour faire aboutir leur revendication, ils appliquent la réduction du temps de travail revendiquée. La coopérative, dans l’esprit des grévistes, ne devait durer que le temps de la grève et disparaître avec la reprise du travail. Mais leur grève et leur coopérative connaissent l’échec.

Une année plus tard, des cordonniers en lutte pour une augmentation de salaire créent une coopérative de production. Organisés en syndicat, ils gagnent à leur cause la moitié des cordonniers de la ville et, contrairement à leurs prédécesseurs, obtiennent satisfaction sur leurs revendications.

La création de coopératives comme moyen de lutte pour résister au patronat se développe. Jusqu’en 1840, alors que la production est basée essentiellement sur l’artisanat, la création de coopératives est relativement facile. L’investissement en machine ou moyen de production est relativement faible.

De leur côté, les consommateurs organisent, à leur tour, des coopératives (...)

La coopérative, arme syndicale

Au début des années 1830, le syndicalisme, en plein développement, connaît de nombreuses défaites. Des coopératives sont alors fondées pour employer des syndiqués au chômage. Deux fédérations syndicales apparaissent (...)

Durant cette période, l’immigration massive venue d’Europe renforce le développement des idées coopératives, notamment grâce à l’immigration allemande. (...)

La grande grève de 1877 dans les chemins de fer donna un nouvel élan aux idées coopératives. Durant ce conflit très violent qui engage des dizaines de milliers des cheminots, on voit les grévistes de Pittsburg prendre le contrôle de la ville pendant cinq jours. Au centre du conflit, les Knights of Labor (Chevaliers du travail, KOL) jouent un rôle décisif et le conflit transforme l’organisation. Le KOL est atypique. Il est l’une des premières organisations racialement mixte et compte dans ses rangs 50 000 femmes. À son apogée, en 1886, plus de 700 000 travailleurs en sont adhérents. Entre 50 et 60 magasins coopératifs sont gérés, en 1883, par l’organisation syndicale. La même année, des mineurs de l’Indiana lock-outés décident de louer un terrain minier pour l’exploiter eux-mêmes. Avec l’aide de leur organisation, ils fondent alors la première coopérative de production d’importance. (...)

L’explosion d’une bombe à Haymarket Market à Chicago lors d’un rassemblement contre la répression policière, déclenche une vaste vague de répression qui touche durement le KOL et dont ses coopératives ont été d’abord victimes. Le patronat a compris le danger que représente le mouvement coopératif ouvrier et organise alors un isolement économique systématique de ces organes de résistance. Pour John Curl (Curl, 2009), « la destruction des coopératives des Chevaliers marque la fin d’une période où la masse des salariés recherchait dans la coopérative une stratégie pour libérer leur classe de cet asservissement ».

Au début du 20e siècle la naissance du Socialist Party of America allait redonner de la vigueur au souvent coopératif ouvrier. (...)

Durant la Première Guerre mondiale, les coopératives de consommateurs se multiplient en raison de l’inflation galopante qui écrase le pouvoir d’achat ouvrier. Ces coopératives ne sont pas isolées des mouvements sociaux. Lors de la grève générale que connaît Seattle en 1919, elles apporteront une aide matérielle aux grévistes, et à l’instar des travailleurs seront, elles aussi, sévèrement réprimées. (...)

La coopérative de Charlot

Le mouvement de concentration que connaît l’industrie américaine touche également le secteur du cinéma. Charlot, Charlie Chaplin, avait créé en 1917 sa propre société de production. Cependant, en 1919, le distributeur de ses films fusionna avec Paramount afin de monopoliser et contrôler le secteur. Charlot avec ses amis, Mary Pickford et Douglas Fairbanks, formèrent alors leur propre coopérative de distribution de films, United Artists Studios, pour avoir un contrôle entier sur leur travail. Si, aujourd’hui, United Artists est devenue un géant capitaliste, à ses débuts, elle entretenait de liens avec le mouvement ouvrier coopératif, ce qui n’est pas non plus étranger au bannissement des États-Unis qu’a frappé, en 1952, Charlot, accusé de sympathies communistes par la Commission des activités antiaméricaines. Le FBI s’était en réalité intéressé à lui dès 1911, certainement en raison de ses velléités coopératives. (...)

Dans la citadelle du capitalisme, la coopérative, comme arme de lutte de classe, a profondément marqué dès son origine les mouvements d’émancipation. Elle permit de construire des bases arrières de repli et de résistance des exploités. Elle est ancrée dans la culture populaire américaine.