Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
L’affaire du fonds Marianne illustre les errements du macronisme
#Schiappa #subventions #macronisme #laicite
Article mis en ligne le 12 juin 2023

Depuis 2017, une poignée de personnalités proches de Manuel Valls ont travaillé leurs réseaux au cœur du pouvoir. Se rapprochant peu à peu du chef de l’État, elles ont participé à plusieurs opérations du gouvernement et ont fini par imposer leur vision de la société en général et de la laïcité en particulier.

Depuis les premières révélations de France 2 et Marianne, suivies de celles de Mediapart, le lancement d’une mission de l’inspection générale de l’administration (IGA), la mise en place d’une commission d’enquête sénatoriale et l’ouverture d’une information judiciaire par le Parquet national financier (PNF), personne ne se bouscule pour défendre l’actuelle secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative. (...)

Après la démission du préfet Christian Gravel, qui avait piloté le programme de financement depuis le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), l’étau se resserre autour de Marlène Schiappa. Cette dernière sera auditionnée mercredi 14 juin au Sénat. L’occasion, entre autres choses, de s’expliquer sur son implication personnelle dans le processus de sélection des associations, contrairement à ce qu’elle a affirmé depuis le début de l’affaire.. (...)

Pour beaucoup, il ne fait aucun doute que la secrétaire d’État sortira du gouvernement au prochain remaniement. « Ce n’est plus qu’une question de jours », estime un conseiller du pouvoir, lassé des « initiatives personnelles » de celle qui fut longtemps présentée comme un pilier de l’écosystème macroniste. Depuis six ans, Marlène Schiappa a multiplié les coups de com’ pour faire parler d’elle. Jusqu’à ce que cette frénésie de buzz se retourne contre elle.

Mais au-delà de l’équation personnelle de la ministre, l’affaire du fonds Marianne révèle en creux les errements d’un pouvoir qui a bradé ses engagements de 2017 au profit de l’air – vicié – du temps. Un pouvoir sans colonne vertébrale, qui s’est peu à peu rempli à l’écoute d’une poignée de personnalités, qui n’ont cessé, au cours des six dernières années, de pousser leur vision de la société en général et de la laïcité en particulier, tournant le dos aux promesses initiales d’Emmanuel Macron.

L’offensive réussie des vallsistes

Sous le précédent quinquennat, la laïcité, principe plus souvent convoqué pour exprimer des crispations identitaires que pour rendre hommage à Aristide Briand, a fortement divisé les soutiens d’Emmanuel Macron. Plusieurs ministres, comme Marlène Schiappa, mais aussi Jean-Michel Blanquer ou Sarah El Haïry – en ont fait leur marque de fabrique, constituant des réseaux qu’ils et elles ont nourris à force de rencontres officielles et de discussions informelles.

Les noms et les visages de personnalités médiatiques, habituées des plateaux télé comme des pages de L’Express ou de Marianne, sont ainsi régulièrement apparus sur les fils Twitter de membres du gouvernement ou de la majorité, mais aussi lors d’événements organisés par leurs soins. Elles sont devenues leurs références. Certaines ont aussi plusieurs fois passé les grilles de l’Élysée, où elles ont été reçues par des conseillers d’Emmanuel Macron, sinon par Emmanuel Macron lui-même.. (...)

Mohamed Sifaoui, le journaliste aux travaux controversés dont l’association se retrouve aujourd’hui au cœur de l’affaire du fonds Marianne, mais aussi Raphaël Enthoven, Caroline Fourest, Zineb El Rhazoui ou encore Rachel Khan… Avec le temps, les défenseurs d’une « laïcité de combat » et les pourfendeurs de l’intersectionnalité, très critiques envers le président de la République au début de son premier mandat, ont fini par s’en rapprocher.

Des « états généraux de la laïcité » au « prix de la laïcité de la République française », en passant par l’opération des « 109 Marianne », bon nombre de ces personnalités ont participé aux initiatives lancées par Marlène Schiappa du temps où elle « binomait » avec Gérald Darmanin Place Beauvau. . (...)

Les métamorphoses de Macron. (...)

Sous couvert de « lutte contre le séparatisme », Emmanuel Macron a lui aussi pris le chemin des crispations identitaires de Manuel Valls. Les deux hommes, qui s’étaient pourtant opposés sur le sujet à compter de 2016, n’ont plus grand-chose à se reprocher en la matière. Quand bien même certains de ses soutiens continuent d’en nuancer l’ampleur, la métamorphose du chef de l’État ne fait aucun doute.

Pendant la campagne présidentielle de 2022, l’un de ses proches confiait ainsi à Mediapart que les « convictions » d’antan s’étaient sans doute heurtées à l’exercice du pouvoir. C’est aussi l’explication qu’avait trouvée le cofondateur du Printemps républicain Gilles Clavreul pour éclairer ce qu’il considérait être « une évolution très nette » d’Emmanuel Macron. « Son mode d’approche de la société française a changé », assurait alors ce proche de Manuel Valls.. (...)

À compter de l’automne 2020, l’offensive entreprise au début du quinquennat contre celles et ceux qu’elles considèrent comme des « ennemis de la République », ou a minima comme leurs « complices », s’est intensifiée. C’est à ce moment-là que le sort de l’Observatoire de la laïcité (ODL), bête noire de Manuel Valls et des autoproclamés « militants laïcs », a été scellé.

Pendant des mois, cet organisme gouvernemental et ses dirigeants – Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène – ont fait l’objet d’une vaste campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux et dans la presse. Malgré un budget moyen de fonctionnement annuel modeste (59 000 euros, hors prise en charge de quatre salaires) et des résultats salués par les acteurs de terrain, l’ODL a disparu au printemps 2021, au moment même où les quelque 2 millions d’euros du fonds Marianne étaient ventilés.. (...)

L’extrême droite sur un boulevard. (...)

plusieurs ministres et membres de la majorité ont commencé à alimenter des débats sans fin sur « l’islamo-gauchisme », en commandant des rapports fantômes et en multipliant les dispositifs visant à produire un « contre-discours républicain » dans l’espace public. La gauche est devenue un épouvantail. « Moi, ce qui m’effraie, encore plus que Zemmour, c’est les discours intersectionnels du moment », était allée jusqu’à confier la secrétaire d’État Sarah El Haïry.

En parallèle, les mêmes se sont mis à juger Marine Le Pen « trop molle », à recycler son vocabulaire et à sauter sur la moindre polémique lancée par la fachosphère. À rebours des promesses de 2017, ils se sont mis à défendre des « valeurs » qui n’avaient plus rien à envier à la droite la plus extrême, cheminant ainsi jusqu’à la présidentielle de 2022, où la candidate du Rassemblement national (RN) s’est hissée au second tour pour la deuxième fois consécutive..