
Au détour des manifestations contre la réforme des retraites, un slogan a fleuri sur les pancartes, les réseaux sociaux et s’est également traduit par plusieurs actions : « pas de retrait, pas de JO ». En d’autres termes, perturber le déroulement des Jeux Olympiques si la réforme des retraites n’est pas abrogée. Le 28 avril, le chantier de la piscine olympique à Saint-Denis était ainsi bloqué par les opposants à la réforme. Le 6 juin 2023, des manifestants, en grande partie membres de la CGT, envahissaient le siège du comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Si le mouvement social cible les JO, c’est que les polémiques sur son organisation se multiplient : expulsion des étudiants, exploitation des travailleurs, prix des places, bétonisation, etc. Bien loin des valeurs historiques de l’olympisme, les JO sont en effet devenus une véritable machine à cash pour de nombreuses entreprises, au détriment de l’environnement, des habitants de la ville hôte et des finances publiques.
JO et opinion publique, le grand désamour
À Hambourg, un référendum d’initiative citoyenne « pour ou contre l’organisation des Jeux Olympiques ? » a été organisé suite à l’action de nombreuses organisations. Le résultat bat en brèche l’idée de Jeux populaires et désirés par une ville, voire une nation, entière : 51,6% des 650.000 votants se sont opposés à la candidature de leur ville. Quant à Budapest, la mairie a préféré retirer sa candidature alors qu’un référendum similaire était en passe d’être organisé. Finalement, le Comité international olympique (CIO) a préféré attribuer les Jeux de 2028 à Los Angeles et ceux de 2024 à Paris. Raconté ainsi, le rêve olympique perd ses allures de conte de fée.
La première raison pour laquelle de moins en moins de villes souhaitent organiser ces jeux est celle des coûts d’organisation colossaux. Ceux-ci se chiffrent en milliards et dépassent systématiquement les prévisions initiales. (...)
Face à ces critiques récurrentes, les organisateurs, notamment la maire Anne Hidalgo, ont bien sûr promis que les JO 2024 seraient différents et plus vertueux. Le directeur général adjoint du comité de candidature de Paris, Michel Aloisio, avait indiqué que le risque d’explosion des coûts n’existait pas, du fait de la préexistence d’un certain nombre d’infrastructures : 95% des sites sont déjà construits ou seront temporaires. Sauf que ces promesses ont déjà été faites de nombreuses fois dans le passé. À chaque édition des Jeux Olympiques, c’est la même chanson : Londres, Rio de Janeiro, Tokyo promettaient elles aussi de maîtriser les dépenses, de respecter les droits des travailleurs et d’organiser des Jeux écologiques. Or, il n’en a rien été. (...)
Lors de l’annonce de sa candidature, Paris annonçait un budget de 6,6 milliards d’euros. Cette somme est aujourd’hui passée à 8,8 milliards d’euros. À quoi servent de telles sommes ? Il faut distinguer deux structures, à savoir la Solideo et le Comité d’organisation des Jeux. La première est l’entité chargée du financement des structures olympiques, tandis que la seconde s’occupe à proprement parler des Jeux olympiques et paralympiques. D’ores-et-déjà, le budget de la Solideo a augmenté du fait de l’inflation, avec une hausse de 150 millions d’euros prise en charge à 66% par l’État et le reste par les collectivités locales.
Afin de finir les chantiers à temps malgré des grèves, des interruptions pendant la crise sanitaire et les éternels retards du BTP, le prix à payer risque d’augmenter encore (...)
Mais la plus grande inconnue, celle qui risque de faire déraper toutes les prévisions budgétaires, est le coût de la sécurité. Encore non chiffrée, celle-ci sera à coup sûr très lourde et incombera au Ministère de l’Intérieur. Dans un rapport paru en janvier, la Cour des Comptes estime que « sur le volet sécurité et transports, la Cour appelle à une vigilance extrême et presse de finaliser au 1ᵉʳ semestre 2023 le plan global de sécurité des Jeux, pour stabiliser les besoins de sécurité privée dont le déficit des moyens est probable et pour planifier l’emploi des forces de sécurité intérieure ».
Étant donné le risque terroriste, mais aussi pour éviter de reproduire des scènes comparables au fiasco de la finale de la Ligue des Champions au Parc des Princes, les besoins sont considérables. La cérémonie d’ouverture, qui doit prendre la forme d’un défilé sur la Seine et pourrait accueillir 400.000 personnes, est de loin la plus compliquée à sécuriser.
Or, les policiers ne sont pas assez nombreux pour faire face au nombre de missions qui leur sont attribuées. Les organisateurs espèrent donc recruter en masse des agents de sécurité privée (...)
Pour compléter cet arsenal, le gouvernement a récemment fait voter une loi autorisant avant, pendant et après les Jeux, l’usage de la vidéosurveillance algorithmique, c’est-à-dire d’outils censés détecter automatiquement des comportements suspects sur les images des caméras. Une technique qui n’a pourtant jamais fait ses preuves. Au-delà de faire exploser le budget, la sécurité des JO s’annonce surtout comme une occasion pour le gouvernement de renforcer discrètement son arsenal de surveillance, au mépris des libertés fondamentales.
Des jeux écologiques ? Le sempiternel grand blabla (...)
Comment prétendre qu’un événement qui réunira a priori 16 millions de personnes venues du monde entier, notamment en avion, puisse être écologique ? (...)
À Saint-Denis par exemple, un échangeur autoroutier va être construit à proximité d’un groupe scolaire. Au-delà des nuisances sonores, les enfants pourront apprécier la pollution à deux pas de leur cours de récréation… On peut également compléter la liste des grands projets inutiles accélérés par les JO avec le projet de méga-centre commercial Europacity, finalement abandonné face à la pression citoyenne, ou la Tour Triangle dans le 15ᵉ arrondissement. Alors qu’il ne s’agit que d’un immeuble de bureaux sans lien avec les Jeux, ce projet cher à la maire de Paris a bénéficié des procédures d’urbanisme accélérées et simplifiées écrites pour les JO…
Le Charles de Gaulle Express : une gabegie financière sans utilité pour les Parisiens (...)
Les chantiers des JO et les mauvaises conditions de travail
Outre le caractère discutable de certains chantiers olympiques, la sécurité des travailleurs de ces chantiers pose de grands problèmes. À la fin de l’année 2022, les données communiquées par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités d’Île-de-France font état de 87 blessés – dont 11 graves – à déplorer sur les chantiers des JO. Le 7 mars dernier, un troisième ouvrier perdait la vie sur le chantier du Grand Paris Express. Pour l’union départementale 93 de la CGT, ces blessures et décès ont directement pour cause « les cadences imposées pour respecter les échéances des ouvrages du Grand Paris », qui créent une « pression ne peut être qu’accidentogène » alertait l’union départementale de la CGT 93.
En juin 2023, les groupes de BTP Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC, ainsi que huit sous-traitants, ont été assignés devant le conseil de prud’hommes de Bobigny par dix travailleurs des chantiers des Jeux Olympiques. Les dix personnes en question étaient des étrangers sans papier – depuis régularisés – qui subissaient des mauvais traitements sur les chantiers. Un des travailleurs explique ne pas avoir pu avoir de jours de repos malgré des douleurs au genou. (...)
Selon la CGT, le nombre d’étrangers sans papiers travaillant sur les chantiers des JO serait d’une centaine de personnes. Un système qui découle directement d’un recours abusif à la sous-traitance, qui permet aux donneurs d’ordre de se dédouaner de leurs responsabilités.
Qui peut se payer les JO ?
Au-delà des infrastructures de transport et de sport, les JO vont aussi accroître la pression immobilière dans la région parisienne, afin de loger les touristes. (...)
Bénévolat et billets exorbitants (...)
Le CIO, une instance notoirement corrompue (...)