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« Internet, c’est la démocratie directe »
Article mis en ligne le 26 août 2011
dernière modification le 24 août 2011

Paul Jorion est anthropologue et blogueur sur les questions économiques et financières. En 2005, il avait été un des premiers à prévoir la crise des subprimes et la récession qui allait en résulter. Aujourd’hui, dans son nouvel ouvrage, La guerre civile numérique, paru chez Textuel, il revient sur l’épisode Wikileaks et les réactions politiques qui l’ont accompagnées. Il dépeint une situation d’extrême tension, une situation qu’il qualifie de « pré-révolutionnaire ».

(...)L’évènement déclencheur a été le refus de Paypal et Mastercard de transmettre à Wikileaks les donations qui lui avaient été faites. Du point de vue des règles du commerce, c’est incroyable. C’est une chose qui ne se fait pas, c’est tout simplement interdit par la loi. Là, il s’agissait clairement d’une interférence des pouvoirs publics, d’une décision du gouvernement américain pour sanctionner Wikileaks. Avec cet événement, on est sorti du cadre démocratique. C’est un événement très grave, vraiment très grave. Pour moi, cela équivalait à une déclaration de guerre. (...)

Mon éditeur voulait intituler le livre « l’insurrection numérique ». Je n’étais pas d’accord car ce n’est pas d’une insurrection qu’il s’agit, ce n’est pas un mouvement qui vient d’en bas et qui s’élève contre les pouvoirs en place. C’est l’inverse, c’est une déclaration de guerre qui vient d’en haut, du gouvernement américain, contre un mouvement citoyen, en l’occurrence Wikileaks. C’est très surprenant car Barack Obama s’était engagé pendant sa campagne à renforcer les droits et la protection des sites whistleblowers – lanceurs d’alerte – et là il a fait tout le contraire en leur déclarant littéralement la guerre.

Ce qui est apparu par la suite comme une évidence, c’est la collusion profonde entre le gouvernement américain et les entreprises privées, pour faire la guerre à Wikileaks mais aussi à des journalistes et des éditorialistes qui défendaient le site de Julian Assange. On a ensuite aussi découvert que le gouvernement américain faisait appel à des officines privées de sécurité pour enquêter sur les Anonymous, ces activistes qui ont pris la défense de Wikileaks. Les Anonymous ont d’ailleurs infiltré une de ces sociétés, HBGary, et révélé ses liens avec le gouvernement américain. (...)

Avec les Anonymous – qui se sont attaqués aux sites de Visa, Mastercard, Paypal et Amazon, qui cessa d’héberger Wikileaks sur ses serveurs [NDLR] – on a vu apparaître une nouvelle forme de résistance. Le principe même de cette nouvelle forme d’activisme repose sur des individus isolés, des citoyens qui se mobilisent ponctuellement sur une action, de type action directe, comme le fait par exemple de bloquer un site web. La plupart du temps ces gens ne se connaissent pas. C’est un système finalement très cloisonné.

Le patron de la société de sécurité privée HBGary, Aaron Barr, avait annoncé : « On a trouvé les chefs des Anonymous ! On va les avoir, on les connaît ». En fait, c’est faux, personne ne sait qui compose ce mouvement et il n’y a certainement pas de chef. Les Anonymous, c’est un mouvement éclaté. Dès lors, il est difficile de gagner une guerre contre un mouvement aussi volatile. (...)

Internet, c’est la démocratie directe. Il n’y a pas de hiérarchie et tout le monde peut s’y exprimer.

(...)

D’une côté, il y a une partie de la population qui est plutôt libertaire et une autre qui est effrayée par les perspectives qu’ouvre Internet. C’est un schéma somme toute assez classique, il y a toujours eu, au cours de l’histoire, des personnes tournées vers le futur, l’innovation, et d’autres qui au contraire avaient peur du changement. Ces derniers, les conservateurs, ont du mal à improviser face à la nouveauté. C’est la situation que nous vivons aujourd’hui. On a globalement les promoteurs d’un nouveau monde d’un côté et les défenseurs d’un ancien de l’autre…

Cette situation provoque toujours des tensions. (...)

je pense qu’on assiste globalement à la naissance d’une contre-culture et Internet en fournit la structure, l’organisation. (...)

Je pense qu’il y pourrait y avoir des épisodes de guerre généralisée… Les pouvoirs nationaux ne pourront rien faire selon moi contre la résistance sur Internet. On aura beau prendre des mesures dans un pays, il sera toujours possible de les contourner en passant par un autre.
(...) Wikio