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Intégrer ou exclure par la langue ?
Article mis en ligne le 5 mars 2014
dernière modification le 1er mars 2014

La connaissance de la langue française est devenue au fil des législations et de leur durcissement non seulement une condition pour devenir français·e, mais aussi pour avoir une chance d’obtenir un droit au séjour. C’est pour trier et non pour intégrer que la maîtrise du français est aujourd’hui exigée.

Dans les années 2000, la question de l’intégration – notamment linguistique – des migrants est devenue dans un très grand nombre de pays européens un enjeu des politiques publiques [1] – il serait plus juste de dire : un enjeu politique tout court. Ce qui compte, en effet, c’est moins de favoriser l’apprentissage de la langue du pays d’accueil que de tester, dans une optique de tri, la volonté et la capacité d’intégration de l’étranger.

. L’épreuve intervient donc, logiquement, de plus en plus en amont du parcours migratoire.

L’évolution de la législation française illustre parfaitement ce schéma. C’est de plus en plus tôt qu’il faut « savoir le français », et il faut le savoir de mieux en mieux. Pas seulement pour mériter de devenir Français mais aussi pour avoir une chance d’obtenir une carte de résident ou le renouvellement d’une simple carte de séjour temporaire, et même préalablement à l’accès au territoire pour ceux qui veulent venir travailler en France ou y rejoindre leur famille.

Contrairement à une idée reçue, la connaissance du français n’a pas toujours été une condition pour être naturalisé. La loi de 1889 comme celle du 10 août 1927 sont muettes à cet égard et posent seulement une condition de stage : dix ans au départ, ramenés à trois ans et même un an dans certains cas en 1927. Le texte dit simplement et sobrement :

« La naturalisation est accordée par décret rendu après enquête sur l’étranger ».

Et le décret d’application précise que l’objet de cette enquête diligentée doit

« porter tant sur la moralité et le loyalisme de l’impétrant que sur l’intérêt que la concession de la faveur sollicitée présenterait aux points de vue national et social ».

La lecture des « instructions aux préfets et aux parquets relatives à la loi du 10 août 1927 sur la nationalité » conforte l’idée que la connaissance de la langue, et plus généralement l’assimilation, ne sont pas des enjeux centraux (...)

Non seulement il faut savoir le français si l’on veut obtenir un droit au séjour stable en France, a fortiori acquérir la nationalité française, mais il faut le savoir de mieux en mieux. Le degré d’exigence est logiquement plus élevé lorsqu’il s’agit d’établir son « assimilation » à la communauté française que lorsqu’il faut justifier simplement de son « intégration », même républicaine, dans la société française, mais dans les deux cas cette exigence évolue à la hausse.

En matière de nationalité, ne sont en principe demandées, comme le précisent les circulaires, que des compétences de base en français oral permettant de « faire face aux situations simples de communication de la vie courante ». Mais la condition de connaissance de la langue française peut malgré tout se révéler un obstacle difficilement franchissable. Les exemples abondent de demandes rejetées au motif que la personne « a un degré médiocre de compréhension de la langue française », « ne peut soutenir qu’avec difficulté une conversation courante », « ne sait ni lire ni écrire ».

Statistiquement, les femmes sont les principales victimes de la barrière linguistique. (...)

La Charte sociale européenne prévoit que les États s’engagent « à favoriser et à faciliter l’enseignement de la langue nationale de l’État d’accueil aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles ». Ce n’est pas ce chemin qui a été suivi : le droit de connaître la langue du pays d’accueil a été converti en injonction, dans une optique de sélection et d’exclusion antinomique de toute politique d’intégration digne de ce nom.