D’IMMENSES INCENDIES EN DIVERSES RÉGIONS DE LA PLANÈTE détruisent
les forêts. Cet été le phénomène a ravagé le massif forestier des Landes de Gascogne. Une proximité qui invite à un état des lieux conséquent pour dessiner des perspectives solides.
La chanson tendre et sentimentale interprétée par Bourvil en 1957 est emblématique de la candeur des jours heureux. L’impossible : « qu’est-ce que ça peut faire » ?
L’impossible est maintenant réalité, réalité illustrée cet été par le lourd bilan humain, économique, social et environnemental des incendies, particulièrement dans le Sud-Ouest. Si l’on ne déplore heureusement aucun mort, ce sont 50 000 ha partis en fumée, plusieurs dizaines de milliers de personnes évacuées de leur domicile, un environnement humain, végétal et animal irrémédiablement détruit.
Par-delà des territoires détruits une histoire régionale s’achève, celle du massif forestier des Landes de Gascogne, pour un avenir illisible. La situation exige maintenant un état des lieux conséquent et des perspectives solides.
Quelle histoire s’achève ?
Il faut aller plus loin que le discours mythique de landes marécageuses désertiques, de la façade atlantique jusqu’aux confins du Pays basque, territoires parcourus par une population fruste de bergers en échasses amenés à la civilisation. À la colonisation en fait, par Napoléon III et son régime affairiste, cynique et autoritaire. De cette opération brutale, ouverte en 1857, de destruction d’une société pastorale communautaire, surgit une société à la fois soumise aux diktats du monde de la grande finance, et composée d’une myriade de petits propriétaires sédentarisés.
Dans les Landes, le 22 août 1949. Après trois étés très secs, le Sud-Ouest a connu une série d’incendies meurtriers qui ont gravement affaibli l’économie locale.
Cette opération s’appuie sur la construction d’un double mythe. Celui d’une société informe à laquelle il fallait apporter la civilisation ; et parallèlement celui d’une société d’une innocence millénaire, conception illustrée particulièrement par le photographe et ethnographe Félix Arnaudin.
La (re)lecture du roman Thérèse Desqueyroux de Mauriac et le visionnage du film éponyme, ainsi que d’autres œuvres plus académiques, donnent une autre vision, plus conforme à la réalité, de la société qui s’installe alors.
Au beau milieu du département des Landes, le village de Solférino et son architecture très particulière illustrent ces constructions mythiques. Créé et construit en 1863 comme une manière de phalanstère – en référence au passé de carbonaro du futur Napoléon III ? –, il avait pour fonction de servir de vitrine à l’œuvre « civilisatrice » en cours. Cette vitrine devait rester sans lendemain, mais demeure une curiosité à visiter.
Ces deux visions, fortement portées et instrumentalisées par des intérêts politiques et financiers puissants, dominateurs et sans scrupules – c’est la marque de fabrique du Second Empire – occultent la nécessaire caractéri sation objective de l’économie dominante de la région « Landes de Gascogne », définie par un arrêté de 1945. Cette région s’étend en forme de triangle de Soulac, à l’extrémité atlantique de la Gironde, jusqu’à Hossegor, extrémité atlantique du département des Landes, et Nérac, département du Lot-et-Garonne.
L’économie de cette zone repose sur trois piliers : une agro-économie industrielle, basée sur l’exploitation du pin maritime, la maïsiculture et l’élevage du canard gras ; un tourisme à la fois rural et côtier ; une industrie basée sur les transports et la maintenance. Sans oublier les puissantes, et discrètes, bases aériennes stratégiques de Mont-de-Marsan et Cazaux avec leurs ressources financières et industrielles induites.
Sur les 110 000 propriétaires forestiers des deux départements des Landes et de la Gironde, plus de la moitié sont propriétaires de parcelles de 4 hectares au plus, et 1 200 sont propriétaires de parcelles de plus de 100 hectares.
Ces derniers sont évidemment maîtres du marché du bois, avec tous les pouvoirs politiques, financiers, idéologiques qui accompagnent cette maîtrise.
Source Document MEDEF.
Cette sphère économique, politique et sociale, comme beaucoup d’autres, est aujourd’hui bouleversée par les dérèglements climatiques et géopolitiques.
Les incendies dans cette région cet été sont à classer dans les « méga feux » devenus une des données symptomatiques de la mondialisation et du dérèglement climatique.
Avec le développement d’aléas climatiques récurrents on est au-delà des analyses et des remèdes ponctuels. Des réponses et des mesures d’ampleur s’imposent géo-temporellement.