
Le président de la République a suscité un tollé en jugeant « légitime » de rendre hommage aux huit maréchaux de la Grande Guerre, dont Pétain, qui dirigea quelques années plus tard le régime collaborationniste de Vichy. Il a ainsi relancé une polémique que l’Élysée avait réussi à « contourner » il y a un mois, alors même que la cérémonie du 10 novembre ne prévoit aucune référence à Pétain.
Emmanuel Macron l’a indiqué d’emblée : il veut être « très clair » sur le sujet. Interrogé mercredi 7 novembre sur l’hommage aux chefs militaires de la Grande Guerre qui sera rendu samedi aux Invalides, en présence de son chef d’état-major particulier, l’amiral Bernard Rogel, le président de la République a jugé « légitime » la tenue d’une cérémonie à la mémoire des huit maréchaux que sont Joffre, Foch, Gallieni, Fayolle, Franchet d’Espèrey, Lyautey, Maunoury et… Pétain.
« Je n’occulte aucune page de l’histoire », a-t-il souligné, pour justifier que l’on puisse célébrer à cette occasion celui qui dirigea quelques années plus tard le régime collaborationniste de Vichy. « Le maréchal Pétain a été pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat, c’est une réalité de notre pays, c’est aussi ce qui fait que la vie politique, comme l’humaine nature, sont parfois plus complexes que ce qu’on pourrait croire, on peut avoir été un grand soldat et avoir conduit à des choix funestes durant la Deuxième » Guerre mondiale, a poursuivi le chef de l’État, provoquant de vives réactions à droite comme à gauche.
« Le maréchal Joffre est le vainqueur militaire de la guerre de 14-18. Pétain est un traître et un antisémite. Ses crimes et sa trahison sont imprescriptibles. Macron, cette fois-ci, c’est trop ! L’Histoire de France n’est pas votre jouet », a ainsi tweeté le chef de file de La France insoumise (FI), Jean-Luc Mélenchon. « Cet hommage est une faute morale et une insulte à la France, que Pétain a trahie au profit de l’occupant nazi », a écrit dans un communiqué Mehdi Ouraoui, porte-parole du mouvement de Benoît Hamon, Génération·s.
« Pétain fut un grand chef pendant la Première Guerre mondiale. Mais rendre hommage à l’homme de la collaboration avec les nazis, de la lutte contre la résistance, du statut des juifs en 1940 ? Il eût mieux valu un hommage au généralissime Foch et à travers lui à tous nos chefs militaires », a également commenté le sénateur Les Républicains (LR), Roger Karoutchi. « Réhabiliter Pétain est une impossibilité morale et historique. Une faute majeure de Macron. La victoire de Verdun a été effacée par la trahison et l’immonde collaboration de Vichy », a également indiqué Florian Philippot.
Face au tollé qui gagné jusqu’à la sphère des historiens, les soutiens d’Emmanuel Macron n’ont pas tardé à monter au créneau, archives du général de Gaulle à l’appui, pour dénoncer ce que Benjamin Griveaux a qualifié de « mauvaise polémique ».
En pensant faire preuve de « clarté » sur le sujet, Emmanuel Macron a en réalité brouillé le message des cérémonies du centenaire de l’Armistice. Ses opposants, mais aussi la presse étrangère, du Guardian au Spiegel, ne parlent désormais plus que de la réhabilitation de Pétain par le président français, alors même que, comme le certifie l’Élysée à Mediapart, il n’y aura pas d’hommage au maréchal, samedi, aux Invalides. Seuls les cinq maréchaux qui y sont enterrés (Foch, Lyautey, Maunoury, Fayolle et Franchet d’Espèrey) seront célébrés. Par ses propos, le chef de l’État a donc relancé tout seul une polémique que ses équipes avaient réussi à « contourner » il y a un mois. (...)
La pression des Armées sur les questions mémorielles ne date pas d’hier, mais l’une des choses étonnantes, au-delà des propos mêmes d’Emmanuel Macron, est l’improvisation qui se dégage de cet imbroglio, alors même que les cérémonies du Centenaire sont minutieusement préparées depuis plusieurs années. Parmi les historiens et notamment ceux qui ont planché sur ces commémorations, c’est la consternation. Les membres du conseil scientifique de la Mission du centenaire se sont d’ailleurs réunis en urgence, jeudi matin. Vendredi, certains d’entre eux rencontreront le président de la République à Péronne (Somme), comme cela était prévu de longue date.