
« L’Etat s’engage à conserver l’identité arabo-musulmane du pays et s’abstient de légiférer en opposition avec la religion islamique » : tel est l’article 2 du projet de Constitution tunisienne que s’apprêterait à recommander Ennahda. Le parti islamiste a les moyens de se faire entendre puisque 89 des 217 élus à l’Assemblée nationale constituante (ANC) se réclament de lui.
Ce projet de Constitution a été révélé à la suite du piratage, le 7 avril, du courrier électronique de M. Hamadi Jebali, secrétaire général d’Ennahda et chef du gouvernement tunisien, par des hackers d’Anonymous (1). Deux semaines plus tôt, le 25 mars, Ennahda s’était officiellement prononcé pour le maintien tel quel de l’article 1 de la Constitution tunisienne de 1959 : « La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain. Sa religion est l’Islam et sa langue est l’Arabe » (2).
Ainsi, le parti islamiste semble ballotté entre la pression de son aile la plus rigoriste, sensible aux sirènes des salafistes, et la résistance du contre-pouvoir que représentent, au moins sur ce sujet, les partis de l’opposition, la société civile et la grande centrale syndicale du pays, l’Union générale tunisienne des travailleurs (UGTT).
Le 16 mars, à l’occasion d’une manifestation pour l’adoption de la charia comme principale source des lois constitutionnelles, les drapeaux d’Ennahda et des salafistes flottaient côte à côte. « Salafistes et nahdhaouis défient la laïcité », clamaient les manifestants massés devant le siège de l’Assemblée constituante. Parmi eux, M. Sahbi Atig, président du groupe parlementaire d’Ennahda.
A l’heure où les difficultés économiques du pays s’amoncèlent, la population tunisienne semble avoir d’autres priorités. (...)
Ainsi, le 15 mars, les élections aux conseils scientifiques universitaires se sont traduites par une déroute des listes islamistes de l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE), au profit de celles de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET, gauche). La perturbation des cours par des sit-ins organisés par les salafistes s’est vue durement sanctionnée.