
L’économiste Pierre Larrouturou, auteur, avec le climatologue Jean Jouzel, d’un ambitieux “Pacte finance-climat”, ne veut pas dissocier lutte contre la pauvreté grandissante et lutte pour le climat. Pour cela, il insiste sur la nécessité de mettre fin au capitalisme dérégulé et propose la création d’une banque européenne dédiée à la transition énergétique.
(...) Avec une création monétaire enfin au service de l’économie réelle et un « budget du climat » alimenté par une très raisonnable taxe sur le bénéfice des sociétés de 5 %, il serait par exemple possible d’isoler tous les logements, de créer des centaines de milliers d’emplois tout en réduisant les factures de chauffage. Pour Pierre Larrouturou, taxer les pauvres est absurde et ne peut que précipiter l’imminence du chaos… (...)
L’urgence climatique est sortie de l’actualité…
Tous les éléments sont archi connus. Les catastrophes s’enchaînent. Le dernier rapport du Giec dit que, pour éviter un emballement du climat, il faut diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, c’est-à-dire dans onze ans. L’ONU nous demande de tripler nos investissement si l’on veut rester sous un réchauffement à 2 degrés. Tout le monde en est conscient, à commencer par les Gilets jaunes qui manifestent pour leur pouvoir d’achat. Je n’en ai entendu aucun dire qu’il se fichait du climat ! Il n’y a plus un climato-sceptique parmi les agriculteurs. Cette année, dans l’est de la France, certains vont devoir abattre une partie de leurs bêtes en février prochain parce qu’ils n’auront plus de foin du fait de la sécheresse de cet été. Nous sommes des millions à comprendre la montée des périls.
Que va-t-il se passer à Katowice ?
Pas grand-chose. (...)
. Mais il ne faut pas se décourager : à l’Europe de jouer ! Première puissance économique mondiale et première région émettrice de gaz à effet de serre depuis les débuts de la révolution industrielle, pourquoi ne déciderait-elle pas unilatéralement de changer de braquet, de faire la transition énergétique la plus puissante et la plus efficace de la planète ?
“La France s’est engagée à diminuer chaque année de 4 % ses émissions de gaz à effet de serre. Elles ont augmenté, l’an dernier, de 3 %” (...)
On annonce la rénovation annuelle de 70 000 logements, mais il n’y a pas les financements. On fait des isolations partielles, bricolées. On sait depuis vingt ans que des millions de Français ont du mal à se chauffer en hiver, dépensent beaucoup trop, et qu’il faut isoler en priorité leur logement, des passoires thermiques. Il faut agir aussi bien pour la qualité de vie de ces personnes, pour leur portefeuille, que pour la planète ! On est dans un cercle vicieux : comme il n’y a pas de financement, le secteur du bâtiment ne forme personne, et les travaux d’isolation sont faits de façon médiocre. S’il y avait une volonté politique, avec une pérennité assurée par un traité européen, donc des financements sur plusieurs années, les compétences naîtraient. Des emplois seraient créés par dizaines de milliers…
La France est-elle une exception ?
Toute l’Europe est dans la même situation ! (...)
Beaucoup d’initiatives locales voient le jour, des citoyens, des entreprises, des collectivités bougent, ça fourmille de partout. Mais on se heurte partout à cette même question du financement pour changer à grande échelle. (...)
Si l’Europe déclare qu’elle a un projet ambitieux, qu’elle veut sauver le climat tout en créant des emplois et en améliorant le pouvoir d’achat, tout le monde regardera l’Europe.
Il est temps de déclarer la guerre au dérèglement climatique ! C’est la seule guerre qui ne fera pas de mort, qui peut même éviter des millions de victimes, qui peut rassembler des peuples, et qu’il faut absolument gagner. (...)