
La revue britannique The Lancet vient de publier une étude, réalisée auprès des CHU de France, sur la nature et le nombre de blessures recensées liées aux tirs de lanceurs de balles de défense (LBD). C’est la première fois que l’on établit des données scientifiques sur cette question.
En près d’un an, de nombreux cas de blessures par LBD (ex-"flash-balls"), ou "lanceurs de balles de défense", ont été signalés à la suite du mouvement des "gilets jaunes". Jusqu’alors, ces informations circulaient surtout sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui et pour la première fois, une publication scientifique recense et documente ce phénomène : on la retrouve ce samedi 2 novembre dans la revue britannique The Lancet.
40 victimes en 2018-2019, dont neuf ont dû être énucléées
Le bilan, réalisé auprès des CHU de France : entre février 2016 et août 2019, 43 cas ont été identifiés, dont 20 à Paris. 38 sont des hommes, cinq des femmes, et l’âge médian des victimes est de 26 ans. En 2016 et 2017, seuls trois cas sont recensés. Mais depuis 2018 et le mouvement des "gilets jaunes", le nombre de victimes est monté en flèche. Les conclusions médicales sont claires : lésions oculaires (traumatisme rétinien, lacérations des paupières, rupture du globe oculaire), fractures du visage (mandibule, zygomatiques), dommages au cerveau... Neuf cas d’énucléations (où l’on a dû retirer l’œil) sont mentionnés.
Une première version de l’étude du Lancet, parue en août dernier, précise que les blessures au LBD font ressortir des caractéristiques communes : "fragmentation des os et blessures sévères des tissus mous, ce qui donne un éclairage sur le mécanisme de projection à grande vitesse des balles en caoutchouc". (...)
"Au-delà de perdre un œil, il faut voir toutes les conséquences que ça engendre"
(...)
ce n’est pas le premier rappel à l’ordre que reçoit la France : outre les publications journalistiques, l’ONU avait, en mars 2019, réclamé une "enquête approfondie" sur l’usage des LBD. Sans succès. "Devant l’évidence scientifique, le gouvernement devrait dire : on passe à autre chose, on arrête", insiste David Dufresne.
Pourquoi est-ce que rien ne bouge ? "Certains syndicats de police font pression auprès du Ministère pour conserver ces armes", assure David Dufresne. "D’un autre côté, de plus en plus de scientifiques, médecins, journalistes et d’autres policiers plaident contre l’usage de ces armes." (...)
À un moment donné, il faut discuter : qu’est ce qu’une police républicaine peut faire à son peuple lorsqu’il manifeste ? Est-ce qu’elle peut mutiler son peuple ? - David Dufresne
Depuis le 17 novembre 2018, 2 500 manifestants et 1 800 membres des forces de l’ordre ont été blessés, selon le ministère de l’Intérieur.