
Manquer deux saisons des pluies est un coup très dur pour la population locale de bergers et de paysans. L’actuelle sécheresse est due en partie au changement climatique résultant des gaz à effet de serre, lui-même à son tour conséquence de dizaines de décennies d’exploitation des réserves d’énergie dans l’objectif pur et simple de réaliser des profits maximaux. La sécheresse n’est donc pas tant un phénomène naturel qu’une conséquence de l’intervention humaine.
(...) Les organisations de secours et les experts internationaux sont formels : il s’agit ici d’une combinaison entre une catastrophe naturelle et une catastrophe provoquée par l’intervention humaine. « Il ne faut pas nier que l’ampleur de cette catastrophe résulte d’une grave sécheresse, l’année la plus sèche en six décennies, dans certaines parties de la région. Mais cette crise a tout autant été provoquée par l’homme et par la politique que par la nature », selon Oxfam International. (...)
Il était prévisible que la famine frappe si fort, mais la « communauté internationale » a choisi de laisser pourrir la situation. Ce n’est que lorsque la presse mondiale a eu l’attention attirée par la famine que les instances des pays riches ont commencé à bouger. Il en va toujours ainsi. En 2006, le gouvernement du Mozambique demandait par exemple 3,4 millions de dollars d’aide pour se préparer à de possibles inondations. Cette aide s’est fait attendre et quand les inondations ont effectivement semé la désolation, il a fallu 98 millions de dollars pour les secours d’urgence. (...)
La Corne de l’Afrique (Éthiopie, Érythrée, Djibouti et Somalie) est d’une énorme importance stratégique pour l’économie mondiale. Djibouti et la Somalie se trouvent sur le golfe d’Aden, à l’entrée de la mer Rouge qui, avec le canal de Suez, relie l’océan Indien à la Méditerranée. La Somalie n’est pas loin de la mer d’Oman et du détroit d’Ormuz, deux zones très importantes de l’océan Indien, qu’empruntent la moitié de la flotte commerciale mondiale des transporteurs de conteneurs et 70 % du transport des produits pétroliers. La Chine et l’Inde acquièrent une influence sans cesse croissante, tout comme sur la totalité du continent africain, d’ailleurs. Cela aussi vaut à l’Occident de sérieuses préoccupations.
Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis essaient d’assurer leur contrôle sur cette région. (...)
Ces dernières années, c’est surtout via l’Éthiopie que les États-Unis ont exercé leur influence sur la région. Ils ont soutenu l’invasion éthiopienne de la Somalie en 2006 (...)
Au bout de deux ans, quand les occupants se sont retirés, la moitié de la population somalienne était devenue dépendante de l’aide alimentaire. Depuis lors, le pays est empêtré dans une guerre civile avec, d’un côté, les troupes du Gouvernement fédéral de transition (TFG) et, de l’autre, les milices d’al-Shabaab et du Hizbul Islam. Le TFG est soutenu par l’Occident mais ne contrôle qu’une fraction du pays et, jusqu’il y a peu, un tiers de la capitale Mogadiscio.
En Éthiopie aussi, la guerre et l’ingérence étrangère sont d’importantes causes de la situation actuelle. (...)
L’Éthiopie est l’un des plus grands bénéficiaires de l’aide au développement, c’est un donor darling (un chouchou des donateurs) de la Banque mondiale, des États-Unis, de l’Union européenne, du Royaume-Uni et de l’Allemagne. « Les dirigeants locaux refusent systématiquement tout soutien aux partisans de l’opposition et aux activistes de la société civile, même si l’aide alimentaire est d’une nécessité vitale », déclare un rapport d’Human Rights Watch. Un secouriste occidental (anonyme) le confirme : « Tout ce que nous mettons à disposition – engrais, prêts, soutien social – est utilisé pour briser l’opposition. » (...)
Le résultat d’une économie mondiale en crise
La crise économique mondiale a de lourdes conséquences pour la sécurité alimentaire de la population du Tiers-Monde. Les gouvernements des pays riches ont repoussé la crise devant eux en ouvrant de force les marchés du Sud à leurs multinationales. (...)
En même temps, la terre du Tiers-Monde est réservée à la production de plantes destinées à l’exportation. Ne pensons qu’aux légumes et aux fleurs coupées en provenance de l’Éthiopie et du Kenya et qu’on retrouve dans nos supermarchés européens.
Les monopoles ne laissent pas d’autre choix aux paysans du Tiers-Monde que d’amener leurs produits à bas prix sur le marché. (...)
La crise économique croissante de ces dernières années a encore aggravé la situation alimentaire. Vu que les produits traditionnels d’investissement ne pouvaient plus étancher la soif de profit capitaliste, le capital s’est mis en quête de nouvelles possibilités d’investissement. La spéculation dans les marchandises, dont le pétrole et la nourriture, a été dérégulée et a augmenté de façon exponentielle depuis le début de ce millénaire. De ce fait, les prix alimentaires sont devenus très volatiles et ils sont influencés par les importants fonds d’investissement qui ont tout intérêt à faire grimper les prix. L’index des prix alimentaires sur les marchés internationaux a connu un pic en février 2011 et il reste toujours à des hauteurs records. (...)
La crise économique stimule aussi les investissements dans les terres agricoles des pays du Tiers-Monde. La production de biocarburant fait des terres cultivables une alternative attrayante pour les investissements.
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L’accès à la terre devient difficile pour la population locale, en grande partie des paysans et des bergers nomades. Une étude récente montre comment ces bergers deviennent de plus en plus vulnérables face aux périodes « normales » de sécheresse du fait que leur accès à la terre est de plus en plus réduit. D’après eux, ce n’est pas la conséquence de la sécheresse croissante. Les chercheurs montrent que l’avenir des bergers nomades est en jeu. (...)
Une solution durable ne pourra venir que si les relations mondiales changent de façon radicale à l’avantage du Sud. En premier lieu, une résistance plus large est nécessaire contre toute forme d’intervention économique, militaire et politique dans le Tiers-Monde. L’Afrique doit avoir la possibilité de prendre son développement en mains propres.
Sur le plan de l’agriculture, cela se traduit par la souveraineté alimentaire. Ici, le soutien à la production alimentaire locale est primordial.
(...) Wikio