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Reporterre
Face au mur du gouvernement, le dilemme de la Zad
Article mis en ligne le 19 avril 2018

Mercredi, Nicolas Hulot a confirmé la date butoir du 23 avril pour l’envoi des formulaires individuels d’installation agricole. Parmi les habitants, les débats sont intenses : les signer pour gagner du temps ou tenir coûte que coûte l’objectif d’une convention collective ? Reporterre a parcouru la Zad à travers champs, à la rencontre de paysannes et paysans en pleines tergiversations.

(...) « Cette expulsion au tout début du printemps tombe vraiment mal car c’est le moment de planter. J’espère que lorsque les choses seront calmées, nous pourrons organiser des chantiers participatifs pour nous aider. Dans tous les cas, on ne sera pas seuls. C’est d’ailleurs l’une des choses contre lesquelles on se bat : l’isolement dans les campagnes et dans le métier d’agriculteur » (...)

L’entraide est l’une des composantes essentielles de la vie dans la Zad. Également l’une des raisons pour lesquelles ses habitants insistent pour proposer des projets agricoles collectifs, et non individuels. Un sujet de discorde majeur avec le gouvernement et la préfète Nicole Klein. « Il s’agit d’un blocage politique et idéologique, remarque Nico, l’un des habitants historiques de la Zad. Nous souhaitons une forme de convention foncière qui ancre l’idée du partage, de prise en charge collective. Mais cet état d’esprit a été refusé. » Nico se réfère souvent à l’exemple du Larzac, où la terre est redistribuée entre les paysans par une société civile immobilière (SCI) signataire d’un bail avec l’État.

Mais Nicolas Hulot l’a répété lors de sa conférence de presse, mercredi 18 avril : il n’y aura pas de Larzac bis à Notre-Dame-des-Landes. Le ministre de la Transition écologique et solidaire s’est déplacé à Nantes afin d’écouter les diverses parties présentes. Il a confirmé la date buttoir du 23 avril pour envoyer les formulaires simplifiés d’installation agricole. « L’État demande un projet un minimum défini avec des noms derrière ainsi que le détail des parcelles convoitées. (…) Il est possible de générer collectivement un projet qui a du sens, tourné vers l’avenir et favorisant des modèles agricoles innovants. Ce serait une manière de sortir de la situation par le haut. » Le ministre dénonce aujourd’hui un immense « gâchis » et demande aux zadistes de faire « un pas en avant » avec l’envoi de ces formulaires. « Ils pourront par la suite s’organiser de manière collective et renouer avec le sens de leur projet, mais avec un principe absolu que tout le monde peut comprendre et souhaiter, qui est le respect absolu de la légalité et un traitement à égalité pour tous en respectant la propriété privée. » (..)

« On a de nouveau présenté le projet de convention globale et on a rencontré un nouveau refus. On a demandé des explications mais on n’en a pas obtenu. Pourtant, c’est quelque chose qui existe juridiquement » (...)

Faire entrer Notre-Dame-des-Landes dans un cadre. Une gageure au regard de l’histoire politique du lieu et de ses habitants. « On ne peut pas passer de l’illégalité à la légalité complète en à peine deux mois », remarque Vincent. « Le droit se crée en fonction de la situation. Il faut trouver une forme adaptée à ce qu’on fait ici », enchérit Nico, qui faisait partie de la ferme des Cent Noms, détruite dès le premier jour de l’évacuation. L’un de ses membres était pourtant inscrit à la chambre d’agriculture en tant qu’éleveur. Une demande pour un projet agroenvironnemental avait même été déposée auprès de la Sécurité sociale agricole, la MSA. Cette destruction inattendue a fait l’effet d’un électrochoc : « On pensait être protégé en tant que lieu agricole. Mais la préfecture a menti. » D’autres estiment que cette erreur stratégique du gouvernement aura permis de remobiliser les soutiens les plus frileux. « C’est un mal pour un bien », glisse un habitant.

Le débat autour des formulaires de déclaration agricole (...)

« Moi, je suis soudeur. Je ne pourrai pas cocher les cases du fameux formulaire. Et pourtant, des soudeurs, on en a bien besoin dans une exploitation et sur la Zad, s’exclame Camille (prénom d’emprunt). Ce n’est pas parce qu’une personne vit dans un lieu sans projet agricole qu’elle n’est pas légitime ici. Ce qui importe, c’est de contribuer au développement global de la Zad. » S’occuper du jardin le matin, de la bibliothèque l’après-midi, des animaux le soir. Les habitants ne veulent pas être enfermés dans des cases et souhaitent conserver cette pluralité d’activités qui fait toute leur richesse, contre un modèle rural classique délétère qui, selon eux, ne permettrait pas la préservation du bocage. (...)

au fil du débat, certaines voix se lèvent en faveur de ces formulaires controversés : les remplir permettrait de gagner du temps face à la date fatidique du 23 avril. De quoi également d’envoyer un signal à tous les soutiens pour montrer que les zadistes jouent le jeu sans toutefois être dupes. En parallèle des négociations, la lutte continue. Personne ne veut baisser les bras ou abandonner le terrain. Des appels à reconstruire les lieux détruits pourraient être lancés tous les week-ends à venir, afin de mener une guerre d’usure aux gendarmes. (...)

Toutefois, après une longue soirée de débats, aucune décision commune n’a été validée. Plusieurs réunions sont prévues pour la journée du jeudi 19 avril. Face au climat d’urgence, face au déchaînement de violence qui a fait plus de deux cents blessés, les habitants ne veulent pas prendre le risque de se tromper et de devoir quitter tout ce qu’ils ont construit ici.