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Le Monde Diplomatique
Explorations en Guyane
Article mis en ligne le 13 novembre 2014
dernière modification le 8 novembre 2014

Guyane, 9 novembre 1949 : « J’ai maigri, je me sens fatigué, déprimé. » 14 novembre : « Ce sera soit l’échec, c’est-à-dire la mort, soit la réussite. » 19 novembre : « J’avais tout imaginé pour ce raid, hors la chute du moral : j’avais une confiance exagérée en moi ! »... Le 7 juillet 1950 parvient en France la nouvelle de la disparition de Raymond Maufrais. Rédigé au jour le jour par l’explorateur, Aventures en Guyane, aujourd’hui réédité, a fasciné une génération entière de lecteurs (1). Solitaire, il s’était imposé le défi d’établir la jonction Guyane-Brésil en traversant à pied les légendaires monts Tumuc-Humac. Maufrais n’avait pas 24 ans et avait déjà parcouru le Brésil, ce que conteront ses Aventures au Matto Grosso, publiées après sa mort.

Retrouvé en plein milieu de la forêt, où il l’avait déposé, son manuscrit restitue avec une impressionnante puissance cette tentative insensée. Mais aussi, en filigrane et involontairement, un temps encore marqué par l’esprit colonial. Celui de postes administratifs « sans lois, sans billets de banque — le curé deux fois par an, le gendarme une fois tous les deux ans, pas de maire, pas d’autorité ni d’hôpital ». Celui d’une condescendance de « civilisé » face aux… autres : « Mais pourquoi se plaignent-ils — puisqu’ils n’ont besoin de rien — de l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard de la misère dans laquelle ils se complaisent ? »

Beaucoup plus attractive lui paraît sa future rencontre avec les mythiques Amérindiens : « Je vais essayer de comprendre les hommes primitifs. Je vais vivre avec eux. Je vais retrouver les vieux instincts oubliés. » Mélasse de végétation, filets de lianes gigantesques et enchevêtrées, le rêve tourne au cauchemar. Les Indiens, l’explorateur ne les verra pas. Il disparaît dans les remous du fleuve qu’il voulait traverser, et deviendra une légende. (...)