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Le Devoir
Environnement : l’Afrique laissée à elle-même
Article mis en ligne le 3 janvier 2019

Le lac Tchad est l’un des plus grands lacs du continent africain. Ou plutôt l’était, puisqu’il a perdu 90 % de sa superficie en 40 ans. Une catastrophe attribuable à une conjugaison de facteurs cumulatifs : maldéveloppement social et mauvaise gestion de l’eau, croissance démographique, réchauffement climatique… Autant de facteurs qui traduisent beaucoup d’aveuglement et très peu de clairvoyance.

La population habitant autour et sur le lac a doublé à 40 millions de personnes au cours des dernières décennies, et l’ONU évalue que le quart d’entre elles ont aujourd’hui besoin d’aide alimentaire d’urgence. Boko Haram a trouvé un vivier de djihadistes dans les agriculteurs et les pêcheurs qui vivent de ce qui reste de ce lac à cheval sur le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria.

La calamité a fait récemment renaître un mégaprojet de régénération, imaginé dans les années 1980 : celui d’un canal de 2600 km qui partirait du fleuve Congo, en RDC. Le projet est aussi irréaliste qu’il y a 40 ans. S’il refait aujourd’hui surface, c’est parce que la multinationale chinoise PowerChina a décidé de s’y intéresser.

Le sort du lac Tchad encapsule celui qui attend l’ensemble du continent, pour ne pas dire du monde si rien n’est fait pour articuler les enjeux de développement socio-économique en fonction de la lutte contre le réchauffement climatique. À l’échelle de la planète, la situation est telle que l’humanité s’expose à un déficit en eau de 40 % d’ici 2030, dans un contexte où la demande bondira par ailleurs de 55 %, affirment les experts du GIEC.

L’Afrique australe et la Corne de l’Afrique ont été frappées ces dernières années par de graves sécheresses menaçant de pénuries et de famine des dizaines de millions de personnes — nommément les petits paysans oubliés par l’agro-industrie mondialisée. Les conflits armés et l’incurie des gouvernements viennent jeter de l’huile sur le feu. L’horizon est d’autant plus inquiétant que l’Afrique subsaharienne doit composer avec une démographie galopante : on évalue que sa population augmentant de plus du double, à 1,4 milliard de personnes d’ici le milieu du siècle.

Or, la COP24, qui vient d’avoir lieu en Pologne, a donné des résultats minimaux pour aider les pays pauvres à se prémunir. Posture criminelle quand on sait que cette Afrique en déshérence, la région du monde qui pourtant produit le moins de GES, est paradoxalement la plus affectée par le réchauffement. Par la médiocrité de leurs engagements, les pays développés, y compris le Canada, auront fait honte à voir à Katowice.

Autre facteur aggravant : cette indifférence collective vient se jouxter à la logique de rivalité tous azimuts que Donald Trump, par ailleurs climatonégationniste, ne fait pas secret de vouloir appliquer envers la Chine, partout et n’importe comment. (...)

Madagascar, une ancienne colonie française, pourrait être — aurait pu devenir — un extraordinaire laboratoire de développement durable. Elle souffre au contraire d’une déforestation extrême. Elle est un pays encore beau de 25 millions d’habitants, mais qui, écologiquement, agonise, livré en pâture aux investisseurs étrangers. L’île est dirigée par une clique de corrompus tournés sur eux-mêmes, c’est-à-dire vers Paris, imperméables à la pauvreté dans laquelle se trouvent la majorité des Malgaches — sauf en période électorale, bien entendu, le moment venu de prétendre légitimer leur pouvoir. (...)