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En prison depuis quatre mois. Son crime ? Être anarchiste
Article mis en ligne le 18 mai 2019

Depuis quatre mois, un jeune homme est enfermé à Toulouse. Aucun délit réel ne lui est reproché. Mais ses opinions anarchistes l’ont fait mettre en examen pour « association de malfaiteurs »... à lui tout seul.

Vendredi 17 mai, 14h45 - La juge des libertés et des peines, Mme Estèbe, a renouvelé le mandat de dépôt de R. Qui restera donc en prison, sans avoir commis de délit, quatre mois de plus. (...)

En prison pour un jeu de clés. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’affaire de « R. », un jeune homme de 26 ans mis en examen pour « association de malfaiteurs » et détenu depuis près de quatre mois à la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne).

Le 2 février dernier, R. garde la fille d’une amie au domicile de cette dernière. Nous sommes un samedi, jour de manifestation des Gilets jaunes et voyant des policiers contrôler des manifestants, R. descend dans la rue pour observer la scène. Il est lui aussi interpellé par les forces de l’ordre, et refuse de donner son identité.

Face aux policiers, le jeune homme, de nationalité suisse, affirme s’appeler « Jérôme Schmidt », un nom imaginaire. Dans un premier temps, il est emmené au poste de police pour vérification d’identité, puis placé en garde à vue après avoir refusé le prélèvement de son ADN et de ses empreintes. En droit français, ce refus constitue une infraction. R. est par ailleurs en possession d’un trousseau de clés qui attire l’attention des policiers. Parmi elles, une clé Allen, du type de celles servant à la réparation d’un vélo et un passe PTT permettant l’ouverture de halls d’immeubles et de boîtes aux lettres. Dès lors, les enquêteurs se convainquent qu’il s’agit de preuves matérielles prouvant l’appartenance de R. à la mouvance de l’ultragauche. (...)

« On lui reproche tout et rien, d’être un black bloc, d’avoir commis des infractions lors de manifestations des Gilets jaunes alors qu’il n’y a pas un procès-verbal de contexte où le nom de mon client ressort. Une fois que l’on a connaissance du dossier, on découvre qu’il est vide. L’avocat général a reconnu l’absence de coauteurs mais estime qu’il va en trouver. Admettons que la version policière soit exacte, qu’il y ait des coauteurs, des personnes ayant caché des objets dans des immeubles en vue des manifestations du samedi. Où sont ces personnes ? Où sont les affaires qu’elles auraient déposé dans ces immeubles ? Dans cette affaire, il n’y a aucun fait précis, seulement des suppositions sur la base d’un jeu de clés. En comparution immédiate, ce dossier ne tient pas. »
Les « preuves » ? Des brochures sur les Gilets jaunes et des livres politiques (...)

Le mouvement social des Gilets jaunes manipulé par des mouvements d’ultragauche ? C’est ce que pensent les enquêteurs. Il y a quelques mois, cette hypothèse a pourtant été contredite… par Nicolas Lerner, patron de la DGSI. Lors d’une interview accordée en février dernier au quotidien Le Parisien, ce dernier estimait « qu’à aucun moment les groupes ultras n’ont réussi à prendre le leadership sur ce mouvement, même s’ils voient en lui une occasion de s’en prendre aux symboles de la République, qui sont leurs cibles habituelles ».

Ce qui en revanche est étayé de faits, c’est la criminalisation des manifestants, dénonce Me Philippe de Veulle, avocat au barreau de Paris et cofondateur du collectif Robes noires et Gilets jaunes. Pour cet avocat parisien, l’affaire de R. constitue un exemple du glissement autoritaire du gouvernement dans le mouvement social (...)