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Slate.fr
En Inde, le sujet sensible de la santé mentale
Article mis en ligne le 5 mars 2021
dernière modification le 4 mars 2021

En 2018, la star de Bollywood Deepika Padukone avait bouleversé l’Inde en se confiant sur la dépression qu’elle avait traversée. Ce faisant, elle avait levé le voile sur le tabou qui entoure la santé mentale en Inde, alors qu’1 Indien sur 5 serait en souffrance.

Structure familiale fragilisée, montée de l’individualisme, migration vers les villes, transition de la tradition à l’industrialisation... Les changements qu’a connus l’Inde ces dernières décennies ont entraîné une perte de repères et une confusion au sein de la population, qui se solde aujourd’hui par un véritable mal-être mental.

D’après le rapport National mental health survey (NMHS), commandé par le gouvernement en 2015, 15% des Indiens de plus de 18 ans auraient besoin d’une aide psychologique. Les troubles les plus fréquents seraient la dépression, l’anxiété, la schizophrénie, la bipolarité et l’addiction aux substances psychoactives. La population active d’âge moyen, les personnes âgées et les adolescents seraient les plus touchés.

Cependant, parmi les divers facteurs qui expliquent la difficulté d’une prise en charge efficace de la population, la stigmatisation qui entoure les personnes atteintes de troubles est l’un des plus importants.
Une lourde stigmatisation des problèmes de santé mentale

Un véritable tabou entoure les questions de santé mentale au sein de la population. Un sondage de Statista estime que pour 60% des Indiens interrogés, les maladies mentales viennent d’un manque de discipline et de volonté. Les troubles psychiques sont perçus comme une faiblesse, et donc comme une honte entachant l’honneur de l’individu et de sa famille.

Cette croyance, alimentée par la méconnaissance qui entoure les troubles psychiques, entraîne la stigmatisation des personnes qui souffrent. (...)

Par tradition, une personne souffrante se tourne presque toujours en premier lieu vers un guérisseur local traditionnel. (...)

Lamia Bagasrawala, psychothérapeute à Mumbai, le constate également auprès de ses patients : « Tout ce qui touche à la santé mentale est stigmatisé, les gens ont tendance à n’envisager la psychothérapie qu’en dernier recours. En Inde, on parle beaucoup de nos émotions, mais nous n’avons pas le vocabulaire adapté pour parler de santé mentale. Le discours est entouré de honte, même lors des séances avec mes patients, c’est une question très délicate à aborder. »

Pour elle, ces tabous pèsent d’autant plus sur les hommes (...)

La prégnance de la tradition et la culture du collectif laissent donc peu de place à l’expression d’un mal-être, limitant ainsi l’accès aux soins. (...)

L’Inde est confrontée à un enjeu de prise en charge : d’après l’OMS, on compte trois psychiatres par million d’habitants… Le rapport NMHS estimait à 88% pour la dépression et à 60% pour la schizophrénie l’écart entre le nombre d’individus souffrant de ces maladies et celui de personnes effectivement prises en charge.

D’après Lamia Bagasrawala, cela s’explique en partie par le tabou qui entoure le domaine. (...)

Accéder aux soins passe aussi et surtout par l’accès à l’information et il y a, en Inde, de fortes disparités économiques. Tout le monde n’a pas internet et la plupart de la documentation est en anglais, il est donc impossible pour une partie de la population de se renseigner sur les enjeux de la santé mentale. Ce n’est que récemment qu’un effort a été fait pour informer les citoyens en utilisant les différents dialectes selon les localités. La télévision et la radio s’emparent également du sujet, mais c’est dans la révolution numérique, accélérée par la pandémie, que se trouve probablement l’issue. (...)

Une plateforme comme MindPeers, située à New Delhi, propose des sessions de thérapie en ligne et fait des campagnes sur les réseaux sociaux pour démocratiser la démarche.

Le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes Indiens.

Depuis le début de la pandémie, le recours à des sessions en ligne, individuelles comme groupées, a explosé. (...)

Le gouvernement indien a entrepris un grand travail de fond pour améliorer la santé mentale de sa population. Le rapport NMHS, impulsé par le ministère de la Santé et de l’Aide sociale à la famille, a constitué une des premières étapes. Le gouvernement s’est également attelé au problème du suicide, prédominant en Inde. (...)

En plus d’un plan à l’échelle nationale, c’est au niveau local que se joue l’amélioration du bien-être de la population indienne. La diversité et la taille du pays demande d’étudier des situations très différentes et spécifiques selon les régions. (...)

Comme souvent en Inde, le besoin de concilier tradition et progrès mène à des innovations intéressantes. Ainsi est né le concept de « Dawa-Dua », soit la « prière-traitement », à Erwadi, une petite ville du Tamil Nadu. (...)