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En Amérique latine, le printemps des peuples
Le mouvement de libération en Amérique latine est un phare pour la gauche mondiale.
Article mis en ligne le 1er juin 2011
dernière modification le 30 mai 2011

« Je reviendrai et nous serons des millions »
Túpac Katari

La veille, au soir d’une rencontre très émouvante avec la communauté afro-bolivienne de La Paz, des citoyens encore plus discriminés que les indiens par l’arrogance métis et créole de la bourgeoisie locale, nous avons assisté au spectacle « les veines ouvertes de l’Amérique latine » d’après le superbe récit d’Eduardo Galeano, paru en 1971. Une saisissante reconstitution de toutes les dominations, des Espagnols aux Français, des Anglais aux Américains, et de tous les esclavages qui ont décimé hommes, femmes et enfants pendant des siècles. Pour le sucre, le café, le caoutchouc, l’or, l’argent, le gaz, le pétrole, la coca. Et toutes les résistances qui se sont levées, de Bolivar à Sandino, de Lula à Correa, pour refuser l’ordre dominant du capitalisme occidental. Des civilisations se sont effondrées, des Mayas aux Incas. Des peuples exterminés, par la variole et la dictature. Des militants martyrisés, de Victor Jara à tous ces anonymes disparus et dont les mères, inlassablement, réclament justice. Aujourd’hui, après tant de souffrances et de tragédies, les peuples de tout un continent dressent le poing.

Ce poing dressé, cette revanche des peuples tant massacrés, torturés, niés dans leurs identités, dominés et exploités par l’Europe puis par les successives administrations de Washington, s’illustrent magnifiquement par l’arrivée au pouvoir de Morales et de Chavez, de Kirchner et de Dilma Rousseff, de Correa et peut-être de Ollanta…. Chacun, à son rythme et selon les circonstances nationales, veut rompre avec le néo-libéralisme, plus ou moins encadré par des régimes militaires, qui a prévalu pendant des décennies.(...)

Ce qui me frappe, c’est souvent l’exceptionnelle désinformation en Europe sur ces processus de transformation sociale et culturelle. Quelle erreur. Quel contresens. De Caracas à La Paz, la presse, totalement libre, tire à boulets continus, via les chaînes de télévisions privées, contre les gouvernements démocratiquement élus. Dans la capitale du Venezuela, j’ai arpenté les sentiers des bidonvilles, perchés sur les hauteurs : des centres de santé, des coopératives alimentaires, des créations culturelles. Dans celle de la Bolivie, Sucre, jusqu’il y a peu, les femmes ne pouvaient pas accéder aux places publiques en costume traditionnel. Une insupportable discrimination à laquelle le gouvernement Morales a mis fin.

Ce printemps des peuples en Amérique latine lève les enthousiasmes et les résistances. Mais ces métamorphoses restent fragiles tant les ennemis de la plèbe sont vigoureux et déterminés, de la critique des armes aux armes de la critique.(...)

Une des plus grandes figures intellectuelles de notre temps, Alvaro Garcia Linera, intellectuel engagé aux côtés du « Nelson Mandela de l’Amérique latine », Vice-Président d’Evo Morales, inspiré par Antonio Gramsci et Pierre Bourdieu, évoque dans certaines textes ce point de bifurcation d’un Etat, d’une révolution, d’un processus radical de changement social et culturel. Ce point de bifurcation, ce moment de confrontation des forces, est proche, pense-t-il, pour son pays. Il l’est pour tout un continent. C’est historique. C’est aussi le moment de ne pas trop hésiter pour une gauche européenne(...) Wikio