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EN GUERRE (FILM DE STÉPHANE BRIZÉ)
Film de 1 h 53 min. Réalisateur : Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Mélanie Rover, Jacques Borderie…
Article mis en ligne le 14 juin 2018
dernière modification le 12 juin 2018

Pourquoi chroniquer le film En Guerre sur le site de l’Association Autogestion ? Ce film ne parle à aucun moment de la reprise de l’entreprise par les salarié.e.s, pas plus que d’autogestion, y compris dans la lutte. Tout simplement parce qu’il est une narration absolument extraordinaire de notre économie et des obstacles qui se heurtent sur le chemin d’une dignité pour toutes et tous et d’une démocratie économique, tant ces deux notions sont aujourd’hui profondément synonymes.

La situation peut paraître banale, voire convenue : elle nous rappelle de nombreuses chroniques de fermetures d’entreprises que nous avons récemment connues. L’entreprise Perrin Industrie, filiale du groupe allemand Dimke, va fermer en mettant à la porte ses 1100 salarié.e.s. Comme bien souvent, l’entreprise ne perd pas d’argent mais sa direction a décidé de la fermer parce qu’elle n’en gagne pas assez au regard du rendement qui est demandé par les actionnaires. Il s’agit bien sûr d’une fiction, mais elle a l’immense mérite de mettre à l’écran les multiples dimensions des conflits sociaux d’aujourd’hui ayant trait aux fermetures d’entreprises par de grands groupes. On saluera tout particulièrement le réalisme des dialogues et des reportages télévision qu’on a l’impression d’avoir déjà vus des dizaines de fois. Sans doute, l’effet de la collaboration de Xavier Mathieu, ancien délégué syndical CGT de Continental à Clairvoix, mais aussi du choix du réalisateur de recourir à des acteurs non professionnels – ouvrier.e.s, cadres, avocate – qui jouent leur propre métier dans ce film, sans parler de la performance de Vincent Lindon à se fondre parfaitement dans la situation.

Mais au-delà de la justesse de ton, ce qui nous intéresse ici est le nœud du drame qui se joue. Face à face, deux camps : celui des travailleur.se.s licencié.e.s et celui d’une direction insaisissable partagée entre Jacques Borderie, le directeur local, Guillaume Censier, le directeur de l’entité France et Martin Hauser, le président allemand de l’ensemble du groupe. Au travers de ces deux camps, ce sont deux logiques profondément différentes qui s’affrontent. Pour les premiers, le seul fait que l’entreprise Perrin Industries gagne de l’argent – et donc réalise un équilibre économique – interdit moralement à l’entreprise de licencier, d’autant que les salarié.e.s ont consenti des efforts de compétitivité il y a deux ans. Pour les seconds, représentants d’actionnaires sans visages, il existe un marché boursier et ils ne doivent pas décevoir : le rendement global de l’entreprise doit être au moins conforme à la valorisation boursière du moment, faute de quoi les actions baisseront. C’est l’absurdité d’un capitalisme qui s’est inéluctablement financiarisé que nous vivons ici en direct. (...)