
Des pompiers probablement exposés aux fibres d’amiante, des agents municipaux envoyés sans protection à proximité du site, des écoles nettoyées sans les moyens adéquats... De nombreux témoins pointent une désorganisation totale suite à l’incendie de l’usine Lubrizol. (..)
Pataugeant dans les hydrocarbures, les pompiers ont dû faire face à des flammes gigantesques, dans un état de stress intense. « Il suffit d’une flamme dans cette nappe de produits pour que cela explose », a expliqué leur chef, Jean-Yves Lagalle. Maintenant que leur rude devoir est accompli, certains sont inquiets. Ils toussent, et ont des nausées. Certains vomissent. « On sait qu’on a respiré quelque chose de pas propre », ont rapporté certains soldats du feu aux journalistes de France 3 Normandie. Qu’ont-ils bien pu respirer, sachant qu’ils n’étaient pas tous équipés de masques adéquats ? Difficile à dire puisque, pour le moment, l’entreprise Lubrizol n’a pas rendu publique la liste des produits entreposés dans le hangar ravagé par le feu.
« Il nous faut absolument la liste des produits pour identifier les risques auxquels les pompiers ont été exposés » (...)
e, donc il y a des HAP [hydrocarbures aromatiques polycycliques], c’est sûr, avance Gérald Le Corre, inspecteur du travail et membre de la CGT. Mais lesquels ? Il nous faut absolument la liste des produits présents sur le site pour pouvoir identifier les risques auxquels les pompiers ont été exposés. » (...)
Au fur et à mesure des heures, des analyses et des pressions de la population, la préfecture de Seine-Maritime a finalement concédé qu’il y avait sur, et à proximité du site, du benzène, du plomb et de l’amiante. Mais elle a aussitôt tenu à minimiser les risques (...)
Pour les pompiers, le problème se pose lorsqu’ils ont fini leur travail et retirent leurs équipements. Ils ne sont plus protégés et peuvent alors respirer des fibres d’amiante. Une étude récente de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales rend compte d’un fort risque « amiante et CMR (produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) » chez les pompiers.
« Des cocktails de produits cancérogènes dont les effets à long terme sont redoutables »
Autre risque d’intoxication : le plomb. (...)
« On ne cesse de nous parler des dangers imminents, pour dire qu’il n’y en a pas, rebondit Julien Galand, fonctionnaire municipal à Rouen et responsable de la CGT locale. Les collègues que l’on voit arriver avec des maux de tête et des envies de vomir, qu’est-ce qu’ils vont devenir dans quelques années ? On dirait que nos vies ne comptent pas. » Le syndicaliste regrette que la mairie n’ait pas conseillé à son personnel de ne pas venir travailler le jeudi 26 septembre, alors que l’incendie faisait encore rage. (...)
Les agents qui ont été chargés de nettoyer la ville, et notamment les écoles et autres aires de jeux n’ont pas tous été bien traités non plus. « Les premiers y sont allés avec de simples masques en papier. Ils avaient mal à la tête. Ils avaient envie de vomir. On leur a trouvé des masques plus costauds. Et des combinaisons. Ils ont pu continuer le boulot. Mais il faut voir comment ! Il ne faut pas utiliser de karcher à cause des risques de projection des polluants. Donc, les gars ils y vont avec des tuyaux d’arrosage, à l’eau froide ! C’est une nouveauté, vraiment ! On peut donc dégraisser des hydrocarbures à l’eau froide ! »