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Démocratiser la propriété des médias, un inquiétant rêve latino-américain
Article mis en ligne le 11 mai 2013

Qui doute encore que les médias sont l’outil central par lequel le capitalisme naturalise l’exploitation sous toutes ses formes, reproduit son idéologie, interfère avec le droit des électeurs à rejeter l’ordre néo-libéral ?

Pourtant, alors qu’il y va de sa survie politique, la gauche occidentale n’ose pas transformer la propriété des médias, sans doute par peur d’être dénoncée comme "ennemie de la liberté d’expression", comme le martèle le Parti de la Presse et de l’Argent au sujet des gouvernements latino-américains qui légalisent des médias populaires, restaurent des services publics qui ne copient plus le privé, commencent à équilibrer le spectre hertzien en faisant reculer le monopole du "libre marché".

L’Argentine a montré la voie en divisant en trois tiers l’ensemble de ses ondes radio et TV, et pour la première fois, en 2013, le Brésil brise le tabou. Face au monopole de TV Globo, le Parti des Travailleurs, la CUT (première centrale syndicale du pays) ou le Mouvement des Travailleurs Sans Terre réclament à leur tour la fin de la dictature médiatique. Une loi d’initiative populaire est soumise aux signatures des citoyens dans tout le Brésil. (...)

Pour cerner les enjeux de cette bataille qui se mène aussi en Équateur, en Bolivie ou au Venezuela, nous publions la contribution du brésilien Luciano Wexell Severo *

"ICIA pour déstabiliser l’Amérique Latine".

L’ICIA est un sigle qui pourrait synthétiser l’offensive actuelle des secteurs les plus conservateurs de la société sud-américaine. Il condenserait les étendards supposés « d’une lutte » des classes privilégiées, historiquement privilégiées, contre les avancées progressistes et démocratisantes promues surtout par les gouvernements d’Hugo Chávez, de Cristina Kirchner, d’Evo Morales et de Rafael Correa.

Les petits étendards de l’ICIA (« Inflation », « Corruption », « Insécurité » et « Autoritarisme ») forment le quadrilatère réactionnaire, oligarchique et droitier qui oriente les discours et les actions d’une partie de l’opposition de la région. On doit attirer l’attention sur le fait que le degré de « sensibilité » de ces quatre variables a une relation forte avec deux agents principaux :

  • 1) les grands conglomérats industriels, financiers et commerciaux, contrôlés justement par les classes privilégiées et le capital étranger ; et
  • 2) les médias hégémoniques, qui sont aussi sous l’intervention des élites locales et des multinationales.

On remarque que chacun de ces deux agents ont influencé de façon décisive la plus ou moins grande « gravité » de ces quatre problèmes. Les premiers, les groupes économiques, au fur et à mesure qu’ils contrôlent de vastes parts de marchés, tiennent un rôle crucial dans la détermination des prix des produits en bout de chaîne. En plus de cela, par le biais de l’accaparement et de la spéculation, ils peuvent générer le désapprovisionnement des biens, la pénurie et l’augmentation des prix qui en découle. Une telle « recette pour le chaos » a aidé à démolir le gouvernement de Salvador Allende en 1973. (...)

D’un autre côté, et de façon complémentaire, ces mêmes éléments déstabilisateurs résistent aux contrôles publics qui essaient d’agir contre leurs postures criminelles. Les grands conglomérats économiques accusent les gouvernements interventionnistes d’être autoritaires, adeptes de Hitler et de Mussolini. Ils hurlent contre l’action de l’État sur les taxes sur les profits, les taux d’intérêt, les taux de change, l’accès aux dollars et l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. Leur argument central est le supposé « libre marché », qui est en vérité un rideau de protection pour la liberté de manœuvre de puissants groupes économiques.

La planification gouvernementale est traitée comme un « interventionnisme exagéré », un retour au « populisme irresponsable » ou, même, comme une « dictature castro-chaviste-communiste » Sont déprimantes l’ignorance, la méconnaissance, et la culture de la haine présentes dans les manifestations et les concerts de casseroles des secteurs de l’opposition. Tout rappelle les momies chiliennes qui ont célébré le coup d’État d’Augusto Pinochet. Ils utilisent des concepts de façon primaire, composent des discours incompréhensibles déterrant des termes de la Guerre Froide contre la « menace rouge » et les « guérilleros marxistes ». Leur refrain favori est le quatuor ICIA.(...)

De notre point de vue, la conclusion est : il n’y a pas de façon d’avancer dans des processus progressistes, populaires et démocratisants sans la destruction de ces deux types de monopoles privés. Parce que, bien que cette combinaison de quatre facteurs que nous nommons ICIA soit éthérée, gazeuse et superficielle, elle a imposé des difficultés et généré des freins considérables aux processus progressistes.

La destruction de ces monopoles privés, économiques et médiatiques, est indispensable et génère une frayeur dans les élites et le capital étranger. Pour cette raison on critique de façon si forte toute tentative de développement du contrôle du pouvoir public, de l’État, sur ces deux structures. Plus vite les gouvernements progressistes s’apercevront de la gravité de cette situation et plus vite ils mettront en place des actions démocratisantes, plus grandes seront ses chances de succès. D’un autre côté, continuer à financer ces monopoles avec d’immenses et croissantes sommes d’argent public, en plus d’être un crime de trahison nationale, peut être considéré comme se tirer une balle dans le pied.