
Mardi soir, à l’espace Reuilly, à Paris, le Fonds pour une presse libre organisait un tribunal fictif chargé de passer en revue les différentes accusations pesant contre l’homme d’affaires ultraconservateur, magnat des médias. Notre compte rendu.
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Face à une salle comble (plus de 750 personnes) et conquise d’avance, ce tribunal fictif a passé en revue les différentes accusations contre l’homme d’affaires : non-respect du pluralisme de CNews, climatoscepticisme dans ses médias, promotion tous azimuts des idées d’extrême droite, atteintes à la liberté d’informer…
La présidente, incarnée par la codirectrice éditoriale de Mediapart Valentine Oberti (et réalisatrice du documentaire Media Crash), a mené les débats avec sérieux et fermeté, sans s’interdire quelques saillies humoristiques. Le rôle du procureur était assuré par un… avocat, Arié Alimi, à l’origine notamment du collectif Stop Bolloré. Quant à celui, difficile, du milliardaire breton lui-même, il est revenu à François Bonnet, cofondateur de Mediapart et aujourd’hui à la tête du Fonds pour une presse libre (dont l’objet est d’apporter un soutien financer à des médias indépendants), à l’initiative de cette réunion publique (« et parce que personne ne voulait le jouer », nous a-t-il confié en marge de l’événement). (...)
Sa défense était assurée par Emmanuel Tordjman, avocat spécialiste du droit de la presse et conseil, notamment, de Mediapart, qui a eu du mal à cacher sa jubilation à plaider la cause de l’homme d’affaires tout au long de l’audience. Posées devant eux, la photo de sœur Marie de Saint-Martin, la fille de Philippe de Villiers, lors de son passage sur CNews, et la une de Paris Match avec le cardinal ultraconservateur Robert Sarah. (...)
Plusieurs « témoins » sont venus déposer à la barre. Parfois dans un mode burlesque, à l’image de notre collègue Samuel Gontier, qui tient le blog et la chronique télé de Télérama et a passé des centaines d’heures devant CNews. « Je vais bien car je suis un homme blanc de plus de 50 ans », a-t-il lancé, portant d’une main tremblante une flasque d’alcool à la bouche. Plus tard, il sortira un revolver de sa poche pour « se protéger des francocides » et affirmera que « tout ça va finir en guerre civile », pastichant les sorties de certains intervenants de la chaîne.
Des réponses issues des auditions de Bolloré
Parfois, le ton s’est fait plus grave, comme avec la journaliste Nassira El Moaddem ou l’historien des médias Alexis Lévrier, tous deux victimes de campagnes de harcèlement qui trouvent leur origine dans un ou plusieurs des médias de la « bollosphère ». L’auteur du livre Et un jour, je suis devenu arabe (Tumulte Éditions), Anas Daïf, est, lui, venu raconter à la barre la manière dont les médias, et notamment ceux appartenant à Vincent Bolloré, parlent des minorités raciales en France (« grand remplacement », « racaille », « voyous », etc.) et l’impact que cela a dans son quotidien et sa désagréable impression d’être « constamment en probation ». L’avocate des parties civiles, Laure Abramowitch, a relevé de son côté vingt-six cas de désinformation climatique sur CNews. (...)
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