
Nous avons tous bien compris le message transmis en boucle depuis maintenant de nombreux mois : le gouvernement, mettant en avant l’existence de restrictions budgétaires, a décidé de réduire considérablement les moyens des services publics, notamment par la réduction très importante du nombre des agents de l’Etat.
Si le personnel des hôpitaux exprime de plus en plus ses inquiétudes, si les enseignants s’alarment de ne plus être en mesure d’exercer pleinement leurs missions éducatives, la justice n’est pas épargnée par cette problématique
Depuis la nuit des temps, les détenus qui doivent comparaître devant un juge sont transférés de leur prison au palais de justice par des policiers ou des gendarmes. Cela mobilise chaque semaine un très grand nombre de personnes de ces deux corps.
Les coupes budgétaires ayant atteint le ministère de l’intérieur et celui de la défense, et faute de personnes en nombre suffisant pour assurer les missions de maintien de l’ordre, le gouvernement a décidé, pour soulager ces deux ministères, que les transfèrements devraient être assurés par l’administration pénitentiaire (AP), rattachée au ministère de la justice, et qui gère les prisons. Le système est en cours d’expérimentation.
Le problème, c’est que le personnel de l’administration pénitentiaire est déjà bien occupé, et à des tâches essentielles. Pourtant, il faut bien remplacer les milliers de policers et gendarmes assurant jour après jour les transfèrements par autant de surveillants de l’AP. Il aurait dès lors été plutôt logique, et raisonnable, de ne procéder au transfert de charges qu’une fois assuré un recrutement suffisant d’agents de l’AP afin que cette administration puisse réellement et efficacement prendre le relai des précédentes.
Et bien non. (...)
les effets pervers de cette incapacité à prévoir d’abord les moyens, ensuite la modification des règles, ne se sont pas fait attendre, comme l’ont récemment signalé de nombreux magistrats.
A Nancy, un détenu envers lequel il n’existait aucune raison d’être bienveillant a été remis en liberté au seul motif que l’administration pénitentaire ne l’a pas conduit au tribunal malgré la demande expresse des magistrats, faute de personnel pour assurer cette mission.
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Cela n’est pas un cas isolé. Ces derniers jours les magistrats très inquiets ont à plusieurs reprises tiré la sonnette d’alarme et signalé de très nombreux dysfonctionnements.
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A titre d’exemple, dans tout le département de Meurthe et Moselle, il n’y a que 6 personnes de l’AP pour assurer les transfèrements alors que les besoins sont estimés à plus du double pour le seul tribunal de Nancy. C’est pourquoi l’AP a fait savoir aux magistrats qu’elle ne serait pas en mesure d’assurer un certain nombre de transfèrements, alors qu’il semblerait que l’un concerne une affaire de viol et deux autres une affaire de stupéfiants. (...)
C’est pourquoi il pourrait être judicieux de proposer aux détenus de se rendre au tribunal par leur propres moyens, en leur suggérant de faire du stop pour que cela ne coûte rien, et en leur demandant le plus aimablement possible de ne pas en profiter pour se faire la belle.
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Quand un individu est remis en liberté par la justice et qu’il récidive, quand bien même les raisons de ne pas le maintenir en détention étaient réelles et fortes, aussitôt les magistrats sont montrés du doigt et la population est encouragée à les lyncher sur la place publique.
Mais vous aurez certainement remarqué que quand bien même un détenu a été remis en liberté à cause de l’incapacité de l’administration de gérer les problèmes de transfèrement, cette fois-ci c’est le silence total.
(...) Wikio