
Les idées du Front National semblent se banaliser. Par ailleurs, un aspect essentiel de la stratégie électorale de Nicolas Sarkozy est, comme en 2007, de récupérer dès le premier tour une partie des voix de l’extrême droite. Dans ces conditions, les deux derniers ministres de l’Intérieur Brice Hortefeux et Claude Guéant - membres du cercle restreint des très proches de N. Sarkozy - ont été envoyés au charbon et ont multiplié ces trois dernières années les « petites phrases » plus ou moins xénophobes. Le site Slate.fr s’est même amusé à créer le « Guéantomètre » qui attribue des « points Guéant » pour les petites phrases et « autres dérapages plus ou moins contrôlés » dans la campagne électorale. Quant à son prédécesseur, Brice Hortefeux, on se souvient qu’il a été condamné par la justice en 2010 pour injure raciale. Au cœur de cette stratégie politique nauséabonde, un thème est en effet savamment entretenu bien qu’il soit vieux de plusieurs siècles (si ce n’est plus !) : celui du lien entre délinquance et immigration.
(...) les deux constats suivants permettent de comprendre qu’il y a dans tout cela une erreur de logique qui ne pardonne pas.
Premier constat : l’ensemble des personnes « issues de l’immigration » vivant en France ne constituent pas une petite minorité. En 2010, on estime que l’ensemble des étrangers, des immigrés et de leurs descendants résidant en France totalisent environ 11,7 millions de personnes, soit près d’un cinquième de la population (voir la source). Ils forment donc une composante très importante de la population, ce qui est un fait ancien en France, pays dont le développement industriel s’est fait depuis le 19ème siècle grâce à l’immigration (italienne, belge, polonaise, portugaise, maghrébine, africaine sub-saharienne, etc.).
Deuxième constat : le nombre de jeunes pratiquant régulièrement la délinquance constitue au contraire une petite minorité. (...)
chez les immigrés et leurs enfants, comme dans le reste de la population, la délinquance ne concerne qu’une petite part de personnes ou de familles. C’est une évidence à l’échelle nationale mais c’est également vrai à l’échelle locale. Dans n’importe quelle ville de France, les jeunes engagés dans la délinquance sont une minorité, même à l’échelle de leur quartier et même à l’échelle d’un quartier « sensible » à très mauvaise réputation.
A contrario, il est dès lors évident 1) que les immigrés et leurs enfants sont très majoritairement des personnes respectant la loi, 2) que la délinquance de certains jeunes descendants d’immigrés récents s’explique par d’autres facteurs que cette origine. Les études montrent ainsi que cette délinquance s’explique en réalité par les mêmes facteurs que ceux qui ont toujours expliqué la délinquance des jeunes quelle que soit leur origine : ruptures familiales, échecs scolaires, effets d’entraînement dans des « bandes » au sein de quartiers concentrant les problèmes...
(...)
toutes ces affirmations ou ces allusions sur le lien supposé fondamental entre délinquance et immigration sont fausses à la base. Si nous étions logiques et raisonnables, elles seraient d’emblée écartées comme constituant de grossières erreurs de raisonnement. C’est qu’il s’agit en réalité non pas de raisonnements mais de peurs et d’émotions manipulées par certains à des fins politiques.