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De la colonisation à l’esclavage économique
Article mis en ligne le 12 septembre 2017
dernière modification le 11 septembre 2017

Finalement, les pays dits « en voie de développement » (PED) d’aujourd’hui remplacent les colonies d’hier : les grandes entreprises multinationales occidentales se placent dans les anciennes colonies, y investissent et en extorquent les ressources pour accumuler de faramineux profits qui s’évadent dans des paradis fiscaux appropriés. Tout cela se déroule sous le regard bienveillant des élites locales corrompues, avec l’appui des gouvernements du Nord et des Institutions financières internationales (IFI) qui exigent le remboursement de dettes odieuses héritées de la colonisation

Par le levier de la dette et des politiques néocapitalistes imposées qui la conditionnent, les populations spoliées paient encore le crime colonial d’hier et les élites le perpétuent subrepticement aujourd’hui, c’est ce qu’il est convenu d’appeler le néocolonialisme. Pendant ce temps, hormis quelques tardives et bien trop rares reconnaissances des crimes commis, on se hâte d’organiser l’amnésie collective afin d’éviter tout débat sur de possibles réparations. Celles-ci, ouvrant la voie à des réclamations populaires, pourraient engager un devoir de mémoire émancipateur jusqu’à de possibles restitutions. Une perspective à étouffer avant qu’elle ne s’embrase ?

La misère des pays colonisés s’est largement accrue en raison d’un transfert de dette : les dettes contractées par les puissances coloniales (Espagne, Portugal, Belgique, Angleterre, France, Pays-Bas...) auprès de la Banque mondiale pour rentabiliser au mieux leurs exploitations dans leurs colonies ont ensuite été transférées sans leur consentement aux pays colonisés qui accédaient à leur indépendance. Elles constituent un cas de dette odieuse, tout comme les dettes ultérieures contractées pour rembourser celles-ci |1|. (...)

Haïti qui a lutté de longues années pour s’émanciper de la tutelle française et s’affranchir de l’esclavage est ainsi forcé à payer doublement et de manière illégitime ses anciens colons pour accéder à sa liberté et son indépendance, par le tribut de l’esclavage et la rançon. Haïti paiera cette rançon odieuse, qui a fait ployer des générations d’Haïtiens sous le poids d’une dette illégitime, de 1825 à 1883, lorsque le dernier terme fut collecté par la Caisse des dépôts (banque d’État, qui existe encore aujourd’hui) qui la reverse ensuite, en partie, aux anciens colons ou leurs descendants (certains colons étaient morts, tandis que d’autres n’ont pu prouver qu’ils avaient été propriétaires). Pour Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), « L’argent doit revenir à l’État haïtien et à la société civile haïtienne, estime-t-il. L’heure est venue de réparer cette double peine subie par l’île, l’esclavage puis la rançon. Le dénuement d’Haïti est dû au paiement de ces 90 millions de francs or qui ont obligé le pays à s’endetter sur des décennies. » |5|

Ni excuse, ni pardon, ni réparation, ni restitution. Imperturbable, la France rançonne le peuple

En avril 2003, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Toussaint-Louverture, le président Jean-Bertrand Aristide affirme que c’est la France qui a une dette envers Haïti et non l’inverse. Il demande « restitution et réparation » pour les dommages commis par l’esclavage et pour la rançon exigée en 1825 pour la reconnaissance de l’indépendance de l’île. (...)

un collectif de militants baptisé Comité pour le remboursement immédiat des milliards envolés (Crime) lance en juillet 2010 un canular et annonce sur un faux site du ministère français des affaires étrangères l’intention de la France de restituer aux Haïtiens le 14 juillet les sommes indûment perçues. L’affaire relance le débat au cœur de l’actualité.

Malgré une lettre ouverte au président français Nicolas Sarkozy |8|, dans laquelle plus de 90 écrivains, universitaires de renom et autres personnalités mondialement connues demandent publiquement au gouvernement français de restituer les 90 millions de francs or extorqués, la France se refuse toujours de restituer la dette historique de son indépendance à Haïti. La France a pourtant une lourde responsabilité dans les affaires haïtiennes et en particulier dans l’état de pauvreté dans lequel se démène sa population. (...)

Attentat à la souveraineté alimentaire : le riz, principale céréale haïtienne, attaqué

Haïti qui était autosuffisante dans les années 1980, est devenu l’un des tout premiers clients du riz américain. Les riziculteurs haïtiens ont été ruinés dans les années 1980 par les importations de riz américain subventionné qui a envahi le marché et est entré en concurrence directe avec la production locale. Après le démantèlement des protections douanières imposées par les organismes internationaux, les tarifs douaniers sur le riz passent de 35 % à 3 %. Dans la même veine, les cuisses de poulet en provenance des États-Unis qui sortent congelées des containers, entrent directement en concurrence avec les volailles élevées sur place.

En plus d’une dette écologique, due à l’utilisation intensive des pesticides qui polluent les sols et contaminent les agriculteurs, les États-unis et ses grandes entreprises sont redevables d’une dette d’ingérence qui a causé une perte de souveraineté alimentaire, fatale pour la survie de la population. Monsanto doit reconnaître les dommages causés, réparer et indemniser les paysans. Haïti n’est pas endettée, elle est créancière.