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Dans les maisons de retraite, manque de moyens et conditions de travail dégradées rendent la situation « explosive »
Article mis en ligne le 8 octobre 2016

« On marche sur la tête ! », alerte une aide-soignante. Tandis que les baby-boomers quittent le monde du travail et que la population vieillit, les réductions budgétaires dans les maisons de retraite déstabilisent le travail des personnels.

Les repas, les soins, l’hygiène, de même que les activités proposées aux personnes âgées subissent de plein fouet ces politiques d’austérité – quand il s’agit du public – ou de « préservation des marges » – lorsqu’il s’agit du privé. Pour quelles conséquences ? Une pression devenue insupportable pour les soignants, et des conditions d’accueil à la limite – voire au delà – de la maltraitance pour les résidents. Témoignages sur une situation explosive.

Les grèves de personnels de maisons de retraite se sont multipliées depuis le printemps, en Ile-de-France, à Niort, à Bordeaux, ou encore en Indre-et-Loire, dans des établissements privés comme publics. Les grévistes dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail, le manque de personnel, le non remplacement des salariés malades, le recours systématique aux vacataires et CDD… et l’effet désastreux de ces politiques sur les conditions de vie des résidents. (...)

Aides-soignantes : Leur mouvement vient d’être reconduit jusqu’au 18 octobre.

« Nous ne demandons pas d’augmentation de salaire. Nous voulons simplement des conditions de travail dignes. Lors des négociations, on nous dit que pour donner de l’oxygène au personnel, il suffit de ne donner aux résidents qu’une douche tous les 10 à 12 jours, et de l’expliquer aux familles. Mais nous ne pouvons pas accepter cela. Je ne peux pas défendre ça devant les familles ! Chez nous, tous les départs en retraite depuis 2014 ont été couverts par des contractuels, avec des temps partiels imposés, et des horaires qui changent tout le temps. Dans ces conditions, c’est impossible pour les filles de chercher du travail ailleurs pour compléter un temps partiel. Elles sont vraiment exploitées. » (...)

« Une nouvelle direction est arrivée en 2015. Elle a renvoyé les remplaçantes qui étaient en CDD. Puis les a reprises, mais uniquement sur des contrats au mois. Quand nous nous sommes mises en grève, cela faisait un an que nous subissions cela. Nous avions une collègue qui était en CDD depuis neuf ans, comme agente de service hospitalier. La direction l’a jetée, sachant qu’elle était sur le point de finir une validation des acquis de l’expérience pour acquérir le grade « d’aide-soignante », souligne Anne. C’est ce jour-là que les salariés se sont mis en grève. Il y avait alors six personnels de soins au lieu des neuf normalement nécessaires, « pour 83 résidents à lever, faire manger, laver… ». Soit une aide-soignante pour 14 personnes de plus de 85 ans.

Des élus qui « ne se sentent pas concernés » (...)

« En, 2012, avec le plan Alzheimer, des moyens avaient été débloqués. Mais depuis quatre ans, c’est une catastrophe ! Dans mon établissement, nous avons un pôle de soins dit "adaptés" pour les personnes les plus dépendantes. L’Agence régionale de santé dit qu’il faut deux personnes pour y travailler. Mais elle ne nous donne les moyens que pour une seule. Les pouvoirs publics n’appliquent rien de ce qu’ils préconisent, » poursuit-elle.

Résultat : sans les moyens nécessaires, la masse de travail augmente pour les personnels, et les conditions se dégradent. « Dans mon établissement, chaque aide-soignante doit faire la toilette de 12 résidents chaque jour », déplore Sandrine Ossart. Or, laver des personnes dépendantes qui, pour beaucoup, ne peuvent pas se lever de leur lit, prend du temps et beaucoup d’énergie. Ailleurs, l’« objectif » managérial à remplir peut monter jusqu’à 15 toilettes par jour pour une seule salariée. Il faut donc se dépêcher toujours plus pour les réaliser. (...)

DAvec un nombre de personnes de plus de 85 ans qui devrait quadrupler en France d’ici 2050, passant de 1,4 à 4,8 millions, et donc un besoin en personnels de maisons de retraite qui va s’accentuer d’année en année, il serait pourtant urgent que la situation évolue [4]. « Les autorités tentent de mettre le dossier de la dépendance dans un tiroir. Mais un jour, il va exploser », alertent Albert Papadacci et Guillaume Gobet. « On nous fait des grands plans “Alzheimer“, des plans “canicule“, mais il n’y a pas les moyens pour les mettre en œuvre, pointe Anne. C’est de la maltraitance institutionnelle. De l’argent, si on veut, il y en a. C’est une question de volonté. »