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Damnés de la mer, damnés du capitalisme : Réflexion sur le phénomène Lampedusa
Article mis en ligne le 27 mai 2015

Le problème de la « mondialisation » actuelle est que, autant elle favorise la libre circulation des biens et des capitaux, autant elle pénalise lourdement la libre circulation de la main-d’œuvre des pays pauvres. Ce dont les dirigeants européens ne se rendent pas compte, c’est à quel point ces flux sont marginaux eu égard à l’ampleur qu’ils pourraient avoir.

En avril 2015, la Méditerranée a englouti près d’un millier de migrants qui tentaient de rejoindre désespérément l’Europe. L’Organisation internationale pour les migrations a parlé à juste titre de « mois le plus cruel en Méditerranée ». Malheureusement, ce spectacle macabre dure depuis plus de vingt ans. Selon l’Ong United, l’aventure méditerranéenne a occasionné plus de 20 000 morts entre 1993 et 2014. Selon certaines sources, ce chiffre pourrait avoir été sous-estimé de 50%.

Bien que ces horribles événements aient commencé à être couverts par les médias dominants, il faut déplorer l’absence de réflexion véritable sur la racine du « phénomène Lampedusa », c’est à dire le pari économique suicidaire via la Méditerranée. En vérité, ce phénomène est illustratif du caractère non-soutenable du système capitaliste. Raison pour laquelle il est appelé à prendre de l’ampleur en l’absence de mesures radicales.

Dans son livre « The haves and the have-nots », l’un des meilleurs livres écrits sur la question des inégalités, l’économiste Branko Milanovic met en relief deux caractéristiques majeures du système-monde capitaliste. La première est qu’il a conduit à une polarisation sans précédent qui se traduit par une extrême concentration des revenus et des patrimoines à l’échelle globale et par un accroissement des écarts de niveau de vie entre les pays du centre et les pays de la périphérie. (...)

La seconde caractéristique majeure est que les pays du centre, les pays riches, sont devenus des « aristocraties » de fait. Personne ne choisit ses parents ni son lieu de naissance. Pourtant, à l’échelle globale, ces deux facteurs « arbitraires » expliquent 80% des inégalités de revenus entre les citoyens du monde. A l’échelle du système-monde capitaliste, il existe donc une prime de classe et une prime résidentielle. (...)

on entrevoit l’inconséquence de l’extrême droite européenne et de la bureaucratie de l’UE. Elles veulent la liberté de circulation du capital et refusent la liberté de circulation de la main-d’œuvre des pays pauvres. De même, alors qu’elles ne soucient pas des dégâts causés ailleurs par les guerres qu’elles mènent et par la licence accordée au capital international, elles s’émeuvent que les victimes lointaines du « développement » économique européen tapent aux portes de la forteresse Europe. Si elles veulent arrêter ces flux migratoires, elles doivent réfléchir à restreindre l’immigration illégale du capital. L’Europe pourra de moins en moins externaliser les coûts de son « modèle social » et de ses guerres impérialistes. Sa politique de « noyades assistées » est myope, contreproductive et contraire à tout humanisme. (...)