
La guerre à la drogue est un échec, c’est aujourd’hui une évidence. Les surfaces de plantes toxiques cultivées augmentent d’année en année dans les pays de culture traditionnelle, et de nouvelles cultures se développent dans de nouveaux pays. La toxicomanie touche maintenant l’ensemble de la planète, avec des conséquences de plus en plus graves pour de nombreux pays du Tiers Monde qui, il y a peu de temps encore, restaient protégés par leurs cultures sociales, désormais en voie de disparition.
En France, sans atteindre l’ampleur de la consommation du cannabis, l’usage des autres drogues continue à augmenter et on constate une diversification des produits utilisés. Seul l’usage d’héroïne semble stagner. La cocaïne augmente, selon l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies. La violence de la répression contre les drogues traditionnelles a provoqué l’émergence et le développement très rapide du commerce et de l’usage des drogues de synthèse, peu coûteuses, faciles à fabriquer, à dissimuler et à transporter, beaucoup moins sanctionnées, mais beaucoup plus dangereuses par leurs effets souvent irréversibles sur le système nerveux central des usagers. De nombreux pays les fabriquent aujourd’hui en grande quantité : l’Afrique du Sud, l’Indonésie, la Birmanie, la Russie... et la Hollande. Et de nombreux laboratoires clandestins sont incontrôlables.
Sur le plan international, on observe une extrême indulgence des pays du G8 vis-à-vis des États narcotrafiquants, selon les intérêts économiques et politiques en jeu. C’est vrai par exemple vis-à-vis de la Turquie, candidate à l’entrée dans la communauté européenne, qui est actuellement le premier producteur d’héroïne vendue en Europe à partir de la morphine base venant d’Afghanistan via l’Iran. C’est vrai aussi de la complicité de la France vis-à-vis de la Birmanie où la compagnie Total est toute-puissante. Idem avec le Maroc. Mais il faudrait des pages et des pages pour dresser une liste complète des complicités et des équivoques de la guerre à la drogue made in USA. (...)
Depuis des décennies, les pays du Sud connaissent des conditions de vie de plus en plus difficiles. La suppression des quotas, qui a ruiné des millions de paysans au profit des géants de l’agroalimentaire, a complété le pillage de leurs ressources naturelles par les pays industrialisés. Leur seule solution pour seulement survivre était la culture des plantes à drogues qui rapportent, à l’hectare, vingt fois plus que les cultures vivrières. Mais la culture n’est pas ce qui rapporte le plus. La transformation, le trafic et le blanchiment offrent un rendement beaucoup plus attrayant. En 1992, l’ONU donnait déjà une liste des pays du Tiers Monde impliqués dans le trafic. Et tandis que le Nord connaît une croissance régulière, malgré les crises inhérentes au système, le Sud s’enfonce toujours plus dans la misère. Et la drogue, dynamisée par la prohibition, devient une alternative économique de secours aussi bien pour les États que pour les élites et une petite partie des populations.
Ajoutons que l’orientation donnée par la haute finance internationale pour les privatisations, en désengageant de plus en plus les États vis-à-vis de leurs populations, laisse ces dernières à la merci des grands groupes financiers plus soucieux de profits que de social. (...)
« Aujourd’hui le blanchiment d’argent et son corollaire, la criminalisation du politique, touchent désormais, via la mondialisation des flux financiers, l’ensemble du globe », expliquait en avril 2000 le rapport de l’Observatoire de la Géopolitique des Drogues. (...)
L’économie souterraine du trafic gangrène l’économie mondiale à tous les niveaux. Il faut savoir que le plus gros volume d’argent de la drogue est généré dans les pays riches, gros consommateurs, par le deal de rue, et qu’une part importante est blanchie sur place. Les dealers consomment et, sur cette consommation, l’État français récupère 20 % de TVA. (...)v
L’action publique n’a pas à faire la morale en ce qui concerne les usagers de drogues, excessifs ou non. Elle ne doit pas non plus s’en désintéresser. S’ils le demandent, ils ont les mêmes droits aux soins que n’importe quel citoyen. User des drogues est un choix de vie. Cela fait partie de la vie privée et doit être respecté.
J’ajouterai cependant que les choix de vie dépendent pour beaucoup de facteurs environnementaux : aujourd’hui la précarité, l’absence de perspectives, souvent la misère, auxquels les jeunes sont particulièrement sensibles... Ils sont les premières victimes de l’hyper libéralisme. Et ils n’ont pas choisi de l’être.
Et tout en respectant leur choix de vivre avec les drogues, plaisir ou fuite, la question se pose : que faire pour éviter de telles dérives ? En tout cas, la preuve est faite que la prohibition n’est pas la solution et qu’elle ne fait qu’accélérer le développement du trafic, donc de l’offre et de la toxicomanie, cela à l’échelle de la planète.
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