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Covid-19 : qui sont les plus vulnérables ?
Article mis en ligne le 30 mars 2020

Nous comprenons maintenant l’impact de cette pandémie : nous perdrons trop tôt nos parents et grands-parents.

En Chine, en France, en Italie, les sujets âgés sont les plus touchés. Le premier SRAS avait conduit l’OMS à déclarer en 2003 que sa prochaine apparition induirait « une crise de santé publique mondiale ».

Or face à l’un de ses cousins, plus létal et plus vif, nous n’avons pas assez progressé pour en anticiper l’émergence.

Il s’agit ici d’une agression cliniquement très brutale dont la deuxième phase (installation en quelques heures d’une pneumopathie fulgurante, 5 à 8 jours après les premiers symptômes) pourrait dépasser cette semaine les capacités des services hospitaliers de réanimation. Il faut donc en organiser précisément la gestion des moyens humains (ce que font remarquablement les équipes sur le terrain) et la répartition des moyens matériels (respirateurs, masques et tenues de protection). Dans cette agression, tous les chiffres de mortalité seront revus à la hausse avec l’intégration a posteriori des données des maisons de retraite.

La publication du profil des personnes décédées en Italie nous donne le profil européen de cette pandémie et permet de comprendre son intensité transalpine. L’âge moyen au décès y est de 81 ans. Parmi les patients décédés, 14 % avaient plus de 90 ans, 56 % plus de 80 ans et 86 % plus de 70 ans. Plus des deux tiers souffraient de diabète, de maladies cardio-vasculaires, de cancer ou étaient d’anciens fumeurs.

Dans les pays d’Europe, les indicateurs de vieillissement de la population sont corrélés à l’intensité locale de l’épidémie : le rapport entre le nombre de personnes de plus de 70 ans et celle de moins de 20 ans est en effet très corrélé à la hauteur de la vague. (...)

les sujets les plus fragiles ne peuvent répondre au casse-tête immunitaire d’un agresseur auquel leurs défenses n’avaient jamais été confrontées.

Cette notion de vulnérabilité nécessite d’être précisée dans le contexte actuel. Nos relations aux paramètres vitaux passent en effet par un optimum, qui définit les plages de surveillance des patients et de leurs traitements (tension artérielle entre 90/60 et 140/90 mmHg ; glycémie à 1 g/l +/- 0,25 ; température entre 33 et 41 °C ; indice de masse corporelle ou IMC entre 18,5 et 25 kg/m2, etc.).

Hors de ces intervalles optimisés, l’organisme réduit ses facultés adaptatives en raison de contraintes métaboliques (hypertension artérielle, diabète, cholestérol élevé) ou physiques (âge élevé, surpoids…). Toutes ces dimensions établissent un optimum commun (...) les très rares sujets jeunes décédés sans antécédent connu présentaient peut-être un défaut de leur système de défense immunitaire, que le coronavirus utilise comme porte d’entrée et qu’il est le premier – et malheureusement le dernier – à révéler (...)

nous sommes désormais conscients des effets de très longue portée de nos choix lorsqu’ils exploitent principalement le court terme.

Trois effets se télescopent ici :

L’impact économique des épidémies croît de manière exponentielle (...) Alors que l’économie est à bout de souffle, on voit pointer la perte fulgurante de nos moyens de lutte pour sauver les patients des générations suivantes et le vide dans lequel certains pays vont plonger. Parmi de nombreux autres, le Liban, qui vient de déclarer faillite, en fera-t-il la douloureuse expérience ? Et dans quel état cette période, économiquement redoutable par ses effets dominos, laissera-t-elle nos sociétés ?

Le risque d’une réaction non proportionnée : confrontés à ce nouvel acteur, les patients meurent d’une hyperréaction immunitaire qui flambe leur poumon en quelques jours. À l’échelle des sociétés, le feu est dans la maison et le recul économique lié à cette crise pourrait détruire certaines options indispensables de nos systèmes de santé. Comment réagirons-nous lorsque les grandes crises annoncées par l’OMS surviendront dans les prochaines années ? (...)

À l’avenir, il nous faudra aussi considérer les interactions entre risques, telles qu’elles se déclenchent aujourd’hui au cours d’une crise sanitaire, économique, environnementale, énergétique et pétrolière. En effet, l’effondrement des taux atmosphériques de NO2 et de CO2, résultant de l’arrêt de la production industrielle (en Italie, en Europe, en Chine), nous indique l’ampleur de ce qu’il faudrait faire pour respecter nos engagements sur le climat (accord de Paris 2015 à la COP21). Nous y voyons le poids faramineux de notre empreinte et la hauteur de la barre à franchir. (...)

Nous avançons, pas à pas, sur une planche au-dessus des flots. Chaque nouvelle perturbation vient rompre notre fragile équilibre alors que nos sociétés absorbent de plus en plus difficilement ces oscillations puissantes.

Nous y lisons la confirmation d’un fait majeur : l’évidence de notre vulnérabilité croissante face à des menaces que nous pensions oubliées. Le XXe siècle nous a trompé quant aux raisons exactes de notre croissance et de notre développement. Le XXIe siècle ne sera pas celui des maladies dégénératives, faites d’insuffisances cardiaques, respiratoires ou neuronales (Alzheimer) aux grands âges… mais, à nouveau, celui de nos prédateurs primaires (virus, parasites, bactéries) dont on ne cesse de mesurer le réarmement et la résistance croissante à toutes nos thérapies.

Cette fragilité engendre une très grande instabilité sociétale et politique et une remise en cause de plus en plus forte des décisions prises. (...)