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Couloirs d’exil. Un paysage global de camps
Ce texte est tiré d’une intervention présentée à la conférence « Vivir en la diversidad Por una política de esperanza en Europa », Centro de Cultura Contemporánea de Barcelona, 4-5 mars 2010.
Article mis en ligne le 23 novembre 2011
dernière modification le 19 novembre 2011

La topographie des réfugiés dans le monde et en Europe révèle des « couloirs d’exil » qui redessinent les frontières aux moyens de camps de natures diverses. Michel Agier décrit la recherche paradoxale d’une construction de la ville dans les contraintes de « l’encampement » imposé par une gouvernance technique et humanitaire internationale.

(...) Quatre figures se détachent quand on essaie de dresser l’inventaire des camps auquel invitent la contemporanéité, la comparabilité et les connexions qui relient entre elles les différentes formes d’encampement aujourd’hui.

 Les refuges auto-installés et auto-organisés représentent en leur principe la forme même du refuge, l’abri que l’on crée dans un environnement hostile et sans politique d’accueil, l’abri auto-établi à défaut d’hospitalité, ils restent sous surveillance, soit par le regard des organisations humanitaires qui les aident occasionnellement, soit par le contrôle des administrations territoriales ou internationales ou celui des organisations policières qui les surveillent, les détruisent ou transfèrent leur population vers d’autres formes de camps.

 Deuxième figure, à l’image des centres de rétention en Europe, un ensemble de « centres de tri » sont placés dans les frontières elles-mêmes et servent de sas sur les circulations de différentes catégories de migrants et réfugiés qu’elles ont pour fonction de canaliser, retenir, réorienter : centres de transit, way stations, centres de rétention, camps d’étrangers, zones d’attente. De cette forme limite de l’encampement dans la frontière, on peut énumérer quelques caractéristiques communes : l’immobilisation, l’attente et le resserrement de la vie quotidienne sur un espace restreint et sous des contraintes multiples ; le trou juridique qui en fait des espaces où l’exception est l’ordinaire ; l’enregistrement des personnes sur fiches, cartes, fichiers d’empreintes ; l’accès difficile aux lieux, éloignés et isolés, contrôlés par des services publics ou privés de police ; les violences commises à l’intérieur et passées sous silence.

 Une troisième figure est celle des camps de réfugiés proprement dits (ceux qui sont gérés par les agences onusiennes du HCR et de l’UNRWA). Ils représentent la forme la plus standardisée, planifiée et officielle de cet ensemble. On y trouve une diversité de taille et de formes : camps de tentes individuelles ou collectives, camps stabilisés avec constructions en terre ou en parpaings, villages de réfugiés, installations rurales. La tendance actuelle est à la « miniaturisation » des camps, plus contrôlables et plus malléables. Mais c’est le camp-ville qui est à l’horizon de cette figure-là. Le camp palestinien, ancien de plusieurs décennies et noyau urbain maintenu dans l’informel et la précarité, en représente le modèle vivant.

 Enfin, quatrième modalité, les camps de déplacés internes forment des sortes de réserves humaines non protégées. Les plus nombreux, en développement constant à cause des restrictions croissantes à la mobilité internationale, ils peuvent former des agglomérations souvent agglutinées dans les périphéries urbaines des grandes villes (Monrovia, Freetown, Khartoum).

Le camp est l’espace hétérotopique, qu’il occupe les quelques mètres carrés d’un centre de rétention ou la quarantaine de kilomètres d’un village de réfugiés. C’est l’espace d’un exil figé entre deux ailleurs, deux absences. Car le camp comme frontière élargie, durcie, sera littéralement la double absence de qui n’a plus de place, place perdue du pays laissé et place introuvable du pays sans hospitalité. (...)

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