
Les femmes représentent 51 % des flux migratoires dans le monde, selon l’ONU, mais elles sont bien souvent invisibilisées... Leur chemin d’exil est une longue succession d’obstacles et nombre d’entre elles seront victimes de violences sexuelles. Arrivées en France, que ce soit leur destination finale ou une étape avant le Royaume-Uni, leur calvaire n’est pas fini car leur situation précaire les désigne comme des victimes contraintes au silence et les empêche de porter plainte. Lucie Feutrier-Cook, experte en migration et droit d’asile, décrypte la réalité des migrantes et raconte la réalité de leur voyage
La France s’enorgueillit d’être le pays des droits de l’Homme mais les violences n’y sont pas moins graves qu’ailleurs, sur la route de l’exil de ces dizaines de milliers de femmes qui se cherchent un destin meilleur. À Grande Synthe, le Refugee Women’s Center leur apporte, à elles et aux enfants, une aide psychologique autant que logistique. Ici, les femmes ne représentent que 10 % à 15 % des migrants et elles évitent autant que possible d’attirer l’attention. Les passeurs ou les autres migrants sont des agresseurs potentiels alors la nuit, impossible de se soulager. L’association leur délivre donc des couches pour adultes, afin qu’elles puissent faire leurs besoins sans avoir à sortir de la tente ou de se déshabiller. Outre le risque de viol, certaines y sont contraintes à la prostitution, prises au piège de passeurs qui leur font ainsi payer la dette du voyage. Parfois, les enfants aussi en sont victimes. Pour eux, le travail forcé est un autre risque également.
Le démantèlement de la jungle de Calais en 2016 était censé avoir réglé ces problèmes : les autorités françaises font en sorte de déloger les populations migrantes avec la destruction des campements toutes les 48 h et le soutien du Royaume-Uni, qui fait pression sur Paris pour que la France retienne sur son territoire les personnes qui veulent tenter la traversée de la Manche. Entre janvier et juillet 2025, 20 000 migrants sont parvenues à rejoindre l’Angleterre, soit une augmentation de 48 % par rapport à 2024 à la même période. La police française peine à endiguer le flux migratoire, au point que depuis 2018 et la signature du traité de Sandhurst, Londres la finance en partie pour l’aider dans sa mission… et met la pression pour qu’elle renforce ses mesures. (...)
Mais la politique reste détachée des réalités du terrain. Selon le centre Primo-Levi, 90 % des femmes qui prennent la route de l’exil seront victimes de violences sexuelles. En Libye, au Maroc ou en Grèce, la violence sexuelle est systématique et vient autant des passeurs que des membres de forces de sécurité, détaille le Centre. Avant le départ, les femmes se renseignent bien sûr et mettent en place des stratégies pour limiter les risques d’agression… ou leurs effets. À la frontière entre l’Italie et la France, des femmes érythréennes avaient ainsi pris l’habitude de voyager ensemble, misant sur l’effet de groupe pour dissuader les hommes de s’en prendre à elles mais elles prenaient aussi une contraception de manière préventive. Pour éviter une grossesse indésirée en cas de viol, explique Lucie Feutrier-Cook.
Malheureusement, il n’existe pas de solution miracle pour empêcher les violences sexuelles et à l’arrivée en Europe, la police n’aide pas à sécuriser ces femmes qui ont déjà traversé un continuum de violences, parfois tout une vie. Les autorités, les services en charge des demandes d’asile non plus ne prennent pas forcément la mesure du calvaire vécu par ces femmes, contrainte de revivre et répéter tout ce qu’elles ont vécu, elles qui ne sont pas des migrants comme les autres.