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Claire Marin : « Il y a des discours de plus en plus culpabilisants à l’encontre des malades »
Article mis en ligne le 30 novembre 2016
dernière modification le 21 novembre 2016

La philosophe analyse le jugement parfois sévère de la société sur les personnes souffrantes. Interview.

La maladie est-elle perçue comme un echec ?

Ce qui est surtout jugé c’est la manière dont on vit celle-ci. Le « bon malade », c’est celui qui ne se laisse pas abattre. Cette figure guerrière de « survivant », de « superhéros » est valorisée et très visible aux Etats-Unis. Mais il y a surtout des discours très culpabilisants à l’encontre des malades, comme s’ils étaient responsables de leur état de santé. A celà s’ajoutent les injonctions de bonne santé - manger sainement, arrêter de fumer - qui vont dans le sens d’une responsabilisation individuelle. C’est en partie injuste, car nombre de pathologies ne sont pas liées à un comportement, mais à des gènes et à des éléments environnementaux.
Certaines maladies sont-elles moins bien considérées que d’autres ?

Les maux qu’on impute à un mauvais comportement font l’objet d’un jugement plus négatif, porté par ces discours culpabilisants, qui peuvent venir du médecin ou des proches. Il y a aussi les maux tabous, ils touchent à l’intimité, à la sexualité. On parlera par exemple plus facilement d’un cancer du poumon que d’un cancer de l’utérus. Il y a aussi les pathologies psychiatriques, encore mal connues et souvent associées à un manque de volonté ou de détermination. Ce sont des discours d’une grande violence à l’encontre de la personne touchée.
Est-ce que l’exclusion des malades renvoie à de la peur ?

Oui, ils rendent visible une réalité que la plupart du temps on se cache. (...)

Le malade représente tout ce qui n’ est pas visible dans nos sociétés : on ne voit plus la dégradation du corps, on cache le vieillissement et in fine la mort. Dans une perspective familiale ou génétique, la figure de la mère, de la grand-mère ou de la tante atteinte du cancer fait figure d’ avertissement funèbre. (...)

Un médecin qui traite mal ou maltraite son patient perd sa confiance. Celui-ci manifeste ouvertement cette confiance en se déshabillant devant lui et en lui disant tout, une rupture de ce contrat implicite peut être humiliante et d’une grande violence. Et dans certains cas, ça peut aller jusqu’à ne plus suivre les prescriptions.
Quels sont les risques d’un jugement sévère envers les malades ?

Quand on est souffrant, on est déjà mis à l’écart de la société, hospitalisé ou en congé, on passe à côté d’une vie sociale normale. On est parfois aussi à l’écart de sa famille, on ne peut plus s’occuper de ses enfants et ni avoir de vie sexuelle. On est déjà dépossédé de beaucoup d’éléments de son identité sociale et familiale, si en plus on est jugé avec sévérité, le risque c’est de s’ enfermer dans la solitude que la maladie produit