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Ceux qui aiment le raisonnement scientifique devraient être pour l’homéopathie
Pierre Jacquel est doctorant en économie comportementale à l’École d’économie de la Sorbonne-Paris 1.
Article mis en ligne le 10 juillet 2019
dernière modification le 9 juillet 2019

Petit thread pour expliquer pourquoi je suis plutôt pour le remboursement de l’homéopathie, et pourquoi je pense que toute personne qui aime (vraiment) la démarche scientifique devrait être de mon avis.

L’affaire semble pourtant simple : du côté de la #team science, on explique que l’homéopathie n’a aucun effet en dehors d’un effet placebo. Les arguments sont nombreux. (...)

Certains (comme @le_science4all) mettent l’accent sur le fait que les principes de l’homéopathie (mémoire de l’eau, etc.) violent ce que nous savons de la physique moderne. Il y a pour la #teamBayésienne de très fortes raisons de ne pas croire en son effet.

D’autres critiques adoptent une approche plus « classique » : on regarde les études et métaétudes, et on voit que sur environ 10.000 études, en gardant seulement les plus rigoureuses, il est impossible de montrer une efficacité clinique à l’homéopathie.
Le fait que l’homéopathie n’ait aucun effet est justement son avantage premier (...)

Elle permet d’activer l’effet placebo chez le patient, et de laisser son corps guérir seul. Ce qui évite l’utilisation de médicaments « modernes ».

Contrairement à ce que les gens pensent, l’effet placebo est très puissant, et marche par exemple même pour… la chirurgie placebo.

Il existe une sorte d’arbitrage entre « effet placebo » pour les petits problèmes qui guérissent seuls, et médecine « classique » quand c’est plus sérieux.

Je pense que c’est comme ça que les gens utilisent l’homéopathie. En complément de la médecine classique, comme une façon de traiter les petits problèmes. Qui n’a pas pris des granules homéopathiques quand il était petit ?

L’homéopathie dans ces conditions est très utile. Elle est dangereuse uniquement quand on l’utilise de façon dogmatique, pour des cas où notre corps à peu de chances de s’en sortir seul.
La plupart des gens sont raisonnables et utilisent la médecine classique et homéopathique de façon complémentaire (...)

Ne plus rembourser l’homéopathie peut, in fine, avoir des effets qui seront globalement négatifs pour la santé des gens, ce qui doit être pris en compte par le décideur public. Ce n’est pas la « science » qui compte, mais la réalité des conséquences pour la population.

Voyons différents scénarios d’effets négatifs qui me semblent plausibles. (...)

Combiner le meilleur des deux mondes pour faire un système de santé plus efficace

Paradoxalement, je n’ai vu personne dans la team science/sceptique s’interroger sur ces différents cas. Comme s’ils n’existaient pas. Comme si nous vivions dans un monde idéal où arrêter de rembourser l’homéopathie n’aurait aucun effet. Comme s’il était évident que nous allions nous retrouver dans le cas 3. Personne ne discute de ces effets potentiels, ne cherche à les quantifier, alors que ça devrait être le CŒUR du débat sur l’homéopathie. (...)

Si on éduquait les gens à penser « petit problème = homéopathie » et « gros problème = médecin », je suis convaincu que les gens iraient mieux. Moins d’antibiotiques, de surmédications, de dépistages inutiles, etc. Moins de gens qui refusent la médecine classique.

Alors je sais que ce que je dois être dur à entendre pou la #team science. Moi aussi j’aimerais un monde idéal où l’effet placebo n’existe pas, où la médecine est une science exacte, où plus personne ne va voir de pseudosciences.

Mais ce monde n’existe pas, et n’existera sans doute jamais. Et ce n’est pas grave. Comme dit plus haut, on peut combiner le meilleur des deux mondes pour faire un système de santé plus efficace.

N’oubliez jamais que la science est quelque chose de très limité, qui ne vaut que dans un cadre très précis. La réalité est différente. Et dans la prise de décision, c’est la réalité qui compte, dans toute sa complexité.