
On le sait, tout changement officiel dans la définition du rôle de l’école, dans les programmes, dans la pédagogie a tendance à susciter l’émotion, à tous les sens du terme — rappelons qu’émeute et émotion sont des doublons, et que l’émotion désigna longtemps une agitation populaire. Et c’est logique, et c’est même heureux, puisque l’instruction publique a partie liée avec la République et que s’y joue, toujours, une conception de la formation du citoyen....
Comme le précise M. Chatel, en s’emmêlant quelque peu dans les images, ledit socle est une « clé » pour la réussite et une « ancre » pour « le projet éducatif national au cœur du pacte républicain ». C’est quasiment aussi troublant que la rencontre du parapluie et de la machine à coudre sur la table de dissection chère à Lautréamont, mais assez engageant. Il reste à examiner de plus près la clé, l’ancre et le cœur.
La nouveauté, oserait-on dire la... modernité de cette orientation, ce n’est certainement pas la transversalité revendiquée, qui n’a pas besoin d’être programmée pour être mise en œuvre. Ce n’est pas davantage un certain abandon de l’étude de la littérature, particulièrement en « langue vivante étrangère », dont il est d’ailleurs précisé que ce qui, dans ce domaine, importe, c’est la « pratique », afin de pouvoir « communiquer de manière simple mais efficace ». C’est une évolution parfaitement désolante, mais qui paraît avoir déjà été lancée...
Non, ce qui surprend, c’est la dilution de l’enseignement de l’histoire et de la géographie dans un ensemble baptisé « culture humaniste », c’est l’insistance sur la préparation au partage d’une « culture européenne » ...
...Sourdement hantée par la question de l’« intégration », soucieuse de contribuer à forger un « ressortissant européen » sportif et prêt à la flexibilité du marché, mais désireuse de conjuguer les « valeurs universelles » et la « diversité culturelle », cette « mise en cohérence » du parcours scolaire semble bien relever davantage d’une entreprise d’adaptation à la modernité libérale que du vieux projet d’émancipation, longtemps fondateur des ambitions de l’école publique....